Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/265

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acheva Capestang, l’hôtellerie suprême, la meilleure peut-être."

Cogolin laissa tomber la bouteille qu’il tenait à la main et dont il s’apprêtait à porter le goulot à ses lèvres. L’orgueil fit place à la terreur dans l’âme du digne compère ; puis la terreur elle-même fit place à la résignation.

"Ah ! monsieur le chevalier, dit-il d’une voix étranglée, nous allons donc nous battre ?

— Cogolin, fit le chevalier en découpant une tranche de pâté, nous allons empêcher Paris de faire une révolution.

— À nous deux !

— Pourquoi pas ? À moi tout seul. Comprends-tu, Cogolin ? Escamoter ce conspirateur qui sue la peur d’ailleurs, et qu’on dit ladre comme un ladre vert, ce Condé qui veut culbuter mon pauvre petit roitelet. Soutenir de mon épaule un trône qui tremble. Prendre la couronne royale et crier aux assaillants rués en meute : « Ne touchez pas à cela, je vous le défends ! »

— Oui, dit Cogolin, ce sera magnifique, mais...

— Tais-toi, ou tu me ferais douter de ton intelligence. Ma foi, je n’ai de regret que pour ce Rohan, qui me paraît être un brave et digne gentilhomme."

Vers trois heures, Capestang donna à son écuyer ses dernières instructions. Puis, postés dans ce grenier d’où le chevalier, selon sa conviction, ne devait sortir que pour marcher à la gloire, ils attendirent le moment d’agir. Capestang était froid, ce qui, chez lui, était un symptôme terrible. Cogolin attaquait son vingt-cinquième Pater... Un homme tout à coup entra dans l’auberge, puis presque aussitôt un autre... Ces deux hommes, c’étaient le duc de Rohan et le prince de Condé !

Rohan et Condé avaient pénétré dans une pièce attenante à la grande salle et qui avait servi de cabinet particulier au temps de splendeur de l’auberge.

"Duc, dit le prince avec une certaine majesté, je vous pardonne d’avoir, hier, douté de moi. Mes hésitations étaient toutes naturelles. Songez que je suis Bourbon comme le roi régnant ; nous sommes cousins ; nous sommes de même souche. Joignez à ces considérations de sentiment le souci des responsabilités qui vont m’incomber et vous aurez le secret de ma retenue. N’en parlons plus, duc : le sort en est jeté. Vous m’avez fait venir ici avant nos compagnons pour vous donner mes ordres. Les voici."

Le prince de Condé s’interrompit un instant, méditatif. Rohan attendait, dans une attitude de respect. Les paroles du futur roi, loin de le froisser, l’avaient entièrement rassuré.

"Voici mes ordres, reprit le prince. Mais avant tout, dites-moi ce que vous voulez pour vous.

— Pour moi, monseigneur ? Rien !

— Dans deux heures, je serai roi. Alors, je serai enveloppé de sollicitations, entouré de courtisans à plat ventre qui ne lèveront la tête vers moi que pour demander encore, demander