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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/28

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lui avoir emprunté : 1° Un costume complet de cavalier ; 2° un dîner exquis ; 3° quarante pistoles. Pour le costume, je lui rendrai dix costumes dès que j'aurai fait fortune ; pour le dîner, un bouquet de fleurs rares ; pour les quarante pistoles, vingt doubles pistoles ; pour le charme de cette hospitalité mystérieuse, je lui engage ma vie..."

Capestang signa cette reconnaissance de dette si étrangement formulée, mais profondément sincère. Libre dès lors de tout souci vis-à-vis de ses hôtes inconnus, puisqu’il s’engageait à rembourser, il s’examina dans la glace avec une certaine complaisance. A ce moment, un frisson le secoua tout entier. On a pu voir que ce jeune homme était brave. Mais ce qu’il voyait sans doute devait être effrayant, car il pâlit et demeura les yeux fixés avec stupeur – avec terreur ! – sur cette glace qui lui renvoyait une image soudain apparue dans cette salle... une femme... toute vêtue de blanc… le visage livide… le sein empourpré par une tache sanglante !

Et cette spectrale apparition rivait sur lui des yeux étranges, hagards, sans expression humaine ! Ce pouvait être une morte sortie du tombeau ! Ce pouvait être un fantôme... Et c’était effrayant comme une illusion de délire ou de suggestion de l’enfer !

Il la voyait dans la glace, immobile, blanche, roide comme un fantôme. Il la voyait arrêtée dans l’encadrement de la porte, effrayante avec cette tache rouge au sein, tache de sang, peut-être. Il la voyait, et il demeurait pétrifié, les cheveux hérissés. Il murmura :

"C'est la dame blanche signalée par mon hôtesse. Je suis dans une maison à spectres. C’est indubitable. Eh bien ! me voici en jolie posture, moi, voyons si je me souviendrai quelque prière, de celles que m’enseignait ma mère."

Capestang, dans toute la sincérité de son âme, se mit à balbutier :

"Pater noster... qui es... in... in quoi ? J'y suis : cœlis !"

Un éclat de rire le fit vaciller. Mais presque aussitôt, cette première impression de superstitieuse épouvante s’évanouit tant le rire de la dame blanche était douloureux, humainement douloureux. Capestang se retourna alors, et vit que cette femme blessée au sein de quelque coup de poignard se retenait au mur pour ne pas tomber. Elle allait mourir peut-être ! Et pourtant elle riait !

"Madame, dit Capestang qui s’avança vivement en essuyant la sueur de son front, daignez me pardonner la faiblesse indigne qui m’a saisi à votre apparition, alors que j’eusse dû me précipiter pour vous soutenir, vous secourir..."

En même temps, il avait saisi l'inconnue dans ses bras et la portait jusqu'à un fauteuil.

"Êtes-vous gravement blessée ? reprit-il. Était-ce vous