Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/285

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Toute la question, pour Capestang, se réduisait donc à choisir un genre de mort qui lui parût convenable. Il les passa en revue, rapidement, puis soudain :

"Ah ! j’ai trouvé, cette fois !"

Il s’arrêta, haletant, flamboyant d’audace.

"Ce que j’ai dit au roi, je le ferai ! C’est moi qui ai fait mettre un gentilhomme à la Bastille. C’est moi qui l’en ferai sortir ! Et comme dans ce duel gigantesque entre la Bastille et moi, c’est la Bastille qui m’écrasera, je trouverai ce que je cherche, c’est-à-dire une mort glorieuse, et je retrouverai ce que j’ai perdu en remplissant le rôle de sbire, c’est-à-dire l’honneur ! Cette fois-ci, voilà la bonne idée, c’est la chance !"

Et ces deux mots qu’il venait de prononcer : la guigne, la chance, appelant une naturelle association d’idées, il se remit en route d’un pas plus ferme en murmurant :

"Où est Cogolin ? Où est ce cuistre ! Il n’est jamais là quand j’ai besoin de lui ! Il a dû retourner m’attendre au grenier du Grand-Henri, courons-y."

Cinq heures du matin sonnaient au couvent des Carmes, lorsque, après cette nuit terrible, le chevalier pénétra dans l’auberge abandonnée, harassé, mais plein de courage pour l’exécution de son idée.

"Cogolin ! s’écria-t-il impétueusement. Va chercher les chevaux à la Bonne-Encontre ! Et puis il doit te rester de l’argent, remets-le-moi, Cogolin ! Où es-tu, faquin ? Me laisseras-tu m’égosiller ? Cogolin !"

Cogolin n’était pas dans l’auberge. Lorsque Capestang eut acquis cette conviction, il s’assit ou plutôt se laissa tomber sur le tas de foin qui, depuis quelques jours, lui servait de couche. Il était las. Il sentit le sommeil le gagner... Un rayon de soleil se glissant dans le grenier s’en vint se poser sur ses yeux. Il grogna un juron et entrouvrit les paupières. Le mince regard qui filtra de ses paupières appesanties s’alla poser sur la lucarne, Capestang tressaillit.

À cette lucarne, à ce moment même, une tête se montrait. Dans la même seconde, Capestang la reconnut :

"Rinaldo !" rugit-il en lui-même.


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D’un bond Capestang fut debout et marcha à la lucarne : la tête avait disparu. On se rappelle qu’il y avait deux lucarnes à ce grenier : l’une donnant sur la cour, et à laquelle aboutissait l’escalier de bois qui desservait extérieurement les étages, l’autre donnant sur la route. C’est à cette dernière lucarne que s’était montré Rinaldo.