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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/286

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Capestang, s’étant penché, le vit qui descendait d’une échelle qu’on avait appliquée là ; il jeta un regard sur la route et vit que l’auberge étai cernée par une vingtaine d’hommes ; à gauche et à droite, de loin, des passants arrêtés regardaient curieusement ce qui allait advenir ; la porte charretière de l’auberge était ouverte, et six hommes y étaient postés. Il courut à l’autre lucarne, jeta un coup d’œil dans la cour, et il y vit une dizaine d’hommes. Ceux-là, il les reconnut pour la plupart : c’étaient les spadassins, les ordinaires du maréchal d’Ancre, et, parmi eux, Concini lui-même !

Capestang, de ce regard de terrible clairvoyance que les hommes très braves ont au moment du suprême danger, embrassa tout le grenier cherchant un trou, une chatière, une rupture dans les tuiles ou sur le plancher, un passage quelconque, si étroit qu’il fût : rien ! il ne vit rien Alors, les forces décuplées, l’esprit bouleversé par une sorte de joie formidable, insensée, qui s’emparait de lui lorsque du fond de son être il entendait sonner la charge des batailles furieuses, en quelques minutes il édifia une barricade devant la lucarne. Derrière la table, une caisse ; derrière la caisse, trois ou quatre escabeaux : derrière les escabeaux de chêne, deux poutres qui se croisèrent et maintinrent solidement l’échafaudage.

Alors, dans sa main gauche, il assura son poignard ; d’un grand geste flamboyant il tira sa longue rapière, la tint un instant élevée au-dessus de sa tête et, les talons joints, comme à la parade, la tête haute, le buste droit, tout raide, l’âme emplie de tumulte, effrayant à voir, d’une voix rauque, il cria :

"Capestang à la rescousse !"

Et il franchit la lucarne de la cour, se montra au haut de l’escalier. Une clameur accueillit cette apparition fantastique du chevalier qui, de ses yeux emplis d’éclairs, défiait la meute massée au bas de l’escalier. Concini leva la tête et éclata d’un rire sinistre qui retroussa ses lèvres écumantes.

"Le voici ! le voici ! vociférèrent les spadassins.

— Bonjour messieurs les assassins à gages !" hurla Capestang.

Concini fit un geste. Le silence tomba sur la meute.

"Au nom du roi ! cria Concini d’une voix qu’il s’efforçait de rendre imposante. Au nom du roi, descendez !

— Au nom de moi ! tonna Capestang, au nom de moi, je reste !

— Ton épée ! gronda Concini.

— Dans ton ventre ! rugit Capestang.

— Messieurs, vous êtes témoins qu’il y a rébellion ouverte, les armes à la main !

— A mort ! A mort ! vociférèrent les spadassins.

— La peste ! La fièvre quarte ! La mort pour vous ! répondit Capestang.

— Traître et rebelle ! grinça Concini.

— Couard et félon !" rugit le chevalier.

Ils se défiaient, s’insultaient du geste, du regard, de l’attitude, de