Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/298

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— Qu’on vous verrait au travers de mon corps tant vous reluisez !

— Oui ! Et avec un pied chaussé d’une botte et l’autre d’une sandale !

— C’est que j’hésite si je dois entrer en religion ou si je dois me faire soldat !

— Et avec un manteau plein de trous...

— Au travers desquels passent le vent, la misère et la pluie, tandis que vous portez une livrée de bon drap toute couturée de galons, si bien qu’on me prendrait pour une pauvre lune à demi rongée et vous pour le soleil.

— Oui ! Et d’où vient une si affreuse misère, monsieur Cogolin ?

— Je vais vous le dire, monsieur de Lanterne. J’ai dans mon logis sept équipements complets, tout neufs, et, Dieu merci, bien pourvus de galons, j’ai sept chapeaux, j’ai sept paires de bottes...

— Ah ! Ah ! fit Lanterne en écarquillant les yeux. Et pourquoi sept ?

— Un pour chaque jour de la semaine, vous comprenez ? Mais j’ai fait vœu de me promener tel que vous me voyez pendant septante jours, en signe de deuil.

— Oh ! oh ! Et de qui portez-vous le deuil, monsieur Cogolin ? De votre mère, peut-être ?

— Hélas ! fit Cogolin, qui ne put retenir une grimace de douleur sincère, j’ai perdu celui qui me servait de père, de frère, de cousin, d’ami, celui qui était tout pour moi et sans qui je ne puis plus rien, j’ai perdu mon pauvre maître !

— Quoi ! M. le chevalier de Capestang ?

— M. de Capestang est mort voici tantôt un mois", fit Cogolin d’une voix lugubre.

Lanterne allait se récrier. Mais à ce moment, une main fine et gantée de soie saisit Cogolin par le bras, et Marion Delorme apparut à la portière du carrosse. Son beau visage était bouleversé. Elle était affreusement pâle et tremblait convulsivement.

"Que dites-vous ? bégaya-t-elle. Qu’avez-vous dit ? Que le chevalier de Capestang est mort !

— C’est-à-dire, madame... je n’en suis pas sûr ! dit Cogolin, le cœur tout remué par cette douleur de cette si jolie femme. Je disais seulement que j’ai perdu mon pauvre maître...

— Il est mort ! balbutia Marion d’un accent de désespoir. Je le vois bien ! Tu pleures ! Mort ! Mort !"

Et Marion se rejetant dans le carrosse éclata en sanglots.

"Madame, affirma énergiquement Cogolin, je vous jure que je n’en suis pas sûr !

— Alors, pourquoi pleures-tu ? Mais parle donc ! Qu’est-il arrivé. Tiens, prends cette bourse, et ne me cache rien !"

Cogolin, qui n’avait pas mangé depuis la veille, dont les