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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/32

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"Je veux que le diable me torde le col ou m’étripe si je ne suis pas destiné à me heurter cette nuit à tous les genres de folie possibles et impossibles", grommela Capestang en s’éloignant dans le couloir qui lui avait été indiqué.

Au bout du couloir, Capestang ouvrit une porte et se trouva dans une salle déserte. Mais du fond de cette salle, de derrière une autre porte, lui arriva alors un bruit confus de voix. Le cœur battant, il s’approcha. Devant la porte, il s’arrêta.

"Écouter à la porte ? murmura-t-il. Fi ! ce serait œuvre de laquais. Entrer ? c’est risquer de me faire tuer. Car, de toute évidence, les gens qui sont là ont quelque formidable secret à garder. M’en retourner ? Ce serait me livrer à tous les aiguillons de la curiosité, et j’en deviendrais enragé, je me connais. Laquais ? Tué ? Enragé ? Lequel des trois pèse le moins ?... J’entre ! Arrive qu’arrive !"

Dans la pièce où il pénétrait ainsi, une vingtaine de personnages étaient assis. Ils étaient tous porteurs des mêmes costumes, pourpoint gris de fer, manteaux violets, feutres gris à plumes rouges. Trois de ces hommes qui occupaient des fauteuils placés sur une sorte d’estrade basse paraissaient présider cette assemblée.

Au moment où le chevalier entra, toutes les têtes se tournèrent vers lui, puis, sans que cette entrée eût paru provoquer de surprise, l’assemblée se remit à écouter l’un des trois hommes qui parlait avec une sorte d’emphase dans la parole, l’attitude et le geste.

Capestang remarqua que la plupart de ces gens étaient masqués. Il remarqua que nul ne s’étonnait de son arrivée. Il remarqua qu’on ne lui demandait pas son nom. De toutes ces remarques, il conclut que les personnages rassemblés ne se connaissaient pas entre eux et que le costume seul ainsi que le mystérieux signe à l’épée suffisaient. Il salua donc gravement, s’assit et fit comme les autres, c’est-à-dire qu’il écouta ou du moins il voulut écouter : mais juste à ce moment, l’homme terminait son discours. Un tonnerre de bravos salua cette fin d’un discours que Capestang n’avait pas entendu. En revanche, il entendit ses voisins crier à tue-tête :

"Vive le comte d'Auvergne, duc d’Angoulême ! VIVE CHARLES X !..."

Et tout aussitôt les mêmes voix répétèrent ce cri qui fit frissonner Capestang :

"Vive notre roi Charles dixième !"

"Charles X ! murmura le jeune homme. Et notre sire Louis XIII, qu’en fait-on ? Il n'est pas mort, que je sache."

Charles d’Angoulême comte d’Auvergne rayonnait. Capestang l’examina, le pesa pour ainsi dire d’un coup d’œil. C’était un homme d’environ quarante-six ans, les tempes grisonnantes, la figure très belle, l’œil audacieux, le sourire amer ; il était de haute taille, mais aussi d’élégante allure. Son