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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/327

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donnait sur le fond du cul-de-sac Maladre, qui débouchait sur la Garancière. C’est par là que passait Léonora quand elle quittait secrètement l’hôtel. L’autre porte, en bois vermoulu, disloquée, s’encastrait dans les soubassements de cette partie de l’hôtel et ouvrait sur un escalier aboutissant à une cave étroite où l’on avait entassé toutes sortes de vieux meubles inutiles, et à demi pourris. Personne ne venait jamais là, car cette cave encombrée, inutilisable, n’aboutissait à rien. Léonora et la reine descendirent dans cette cave.

Entre les escabeaux, les fauteuils démembrés, les tables pourries, parmi cet entassement de choses mortes, il y avait une façon de sentier que le hasard semblait avoir tracé et dans lequel s’engagea Léonora. Elle aboutit ainsi à un vaste bahut dont elle ouvrit le double battant, et elle dit :

"Voici notre chemin. Il est temps de remettre votre masque. Car il ne faut pas que l’on vous reconnaisse."

La reine obéit silencieusement et couvrit son visage de son masque rouge. Alors Léonora poussa le fond du bahut adossé au mur. Le panneau de bois glissa dans une rainure et une ouverture suffisante pour une personne apparut. Là commençait un étroit escalier tournant. Léonora saisit la main de la reine et l’entraîna. Marie de Médicis descendit dans les ténèbres. Elle grelottait. Elle avait peur. Elle ne voyait plus Léonora. Mais elle sentait sa main glacée qui étreignait la sienne. Tout à coup, une faible lueur frappa ses yeux. Elles firent quelques pas de plain-pied, en suivant un couloir, et enfin Marie de Médicis vit qu’elle se trouvait dans une pièce qui semblait être une antichambre. Léonora la regardait fixement et dit :

"Êtes-vous décidée ?"

La reine eut une courte hésitation ; mais surmontant cette faiblesse – ce remords peut-être :

"Oui ! répondit-elle sourdement.

— Rappelez-vous, madame, que seule une tête couronnée peut sans danger donner l’ordre...

— Oui, reprit alors la reine avec plus de fermeté ; et, puisqu’il en est ainsi, c’est moi que les astres désignent, puisque je suis reine.

— Vous vous rappelez exactement les paroles que vous devez prononcer ? Celles-là et pas d’autres ?

— Je me les rappelle, dit la reine, et je suis prête à les prononcer !"

Un sourire livide erra sur les lèvres de Léonora Galigaï.

Sourire de triomphe et d’orgueil : elle était plus subtile et plus puissante que les astres ! Elle les trompait ! Elle allait tuer Giselle et Capestang, sans employer aucun des moyens dont la main humaine peut se servir pour tuer ! Et l’ordre de mort allait être donné sans danger pour Concino : « Un roi », avait dit Lorenzo. Un roi ? Une tête couronnée, roi OU REINE !

Léonora Galigaï