Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/326

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— Eh bien, supposez que Giselle d’Angoulême soit mise tout à coup en présence du cadavre de celui qu’elle aime, qu’elle le voie mort."

Marie de Médicis frissonna. Léonora calme, continua sa démonstration :

"Giselle mourra, madame. Ou son cœur éclatera dans sa poitrine, et elle tombera morte sur le corps de son fiancé ; ou bien elle traînera quelques jours à peine une misérable existence… mais non ! ce qui est vrai, ce qui est sûr, c’est qu’elle mourra sur le coup, frappée au cœur mieux que par une balle d’arquebuse. Or, madame, vous le savez : le chevalier de Capestang est ici."

Marie de Médicis demeura pensive et frissonnante. Un meurtre ne lui faisait pas peur. Mais les sombres spéculations de Léonora Galigaï la faisaient trembler. Pourtant, elle secoua la tête comme pour écarter les pensées de terreur, et murmura :

"Mais le chevalier de Capestang lui-même n’est-il pas soumis aux mêmes influences que Giselle d’Angoulême ? Lorenzo l’a dit : on ne peut le faire mourir ni par le feu, ni par l’eau, ni par le fer, ni par le poison, ni par la faim, ni par la soif, ni par rien de ce qui exige l’emploi de la main humaine. Je conçois la mort de Giselle par la douleur. Mais pour qu’elle meure, il faut qu’elle soit mise en présence de Capestang mort. Comment le feras-tu mourir, lui ?"

Léonora Galigaï répondit :

"PAR L’ÉPOUVANTE..."


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Léonora avait fait un signe à Marie de Médicis. Et la reine s’était mise à la suivre, la tête pleine de bourdonnements funèbres, elle frissonnait, ses yeux hagards se rivaient à Léonora par une sorte de force magnétique. Elle lui apparaissait comme l’inexorable archange de la mort la conduisant terme au-delà duquel on ne va pas plus loin. Et pourtant elle marchait. Elle eût tout donné pour se reprendre et fuir. Mais elle marchait.

Léonora entra dans sa chambre à coucher, puis dans sa chambre de toilette et, par un escalier dérobé connu peut-être d’elle seule, gagna cette petite cour isolée dont nous avons déjà parlé – une courette large à peine de trois toises et séparée des autres cours par une haute muraille. Là s’ouvraient deux portes, l’une, en fer, porte basse et trapue, jamais ouverte, à en juger par la rouille et les poussières accumulées,