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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/333

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du désespoir il passa au ravissement. Le spectre ne se sauvait pas comme les autres ! La femme s’approchait jusqu’à le toucher ! Elle plaçait sur ses lèvres le bord d’un grand gobelet d’argent ! Et il buvait ! Avec délice, avec frénésie, il buvait jusqu’à la dernière goutte cette boisson qui n’était pas seulement le plus exquis des rafraîchissements, mais qui devait aussi contenir quelque mélange réconfortant, car presque aussitôt il se sentait renaître !

"Madame, balbutia-t-il, soyez bénie !"

Ce mot fit violemment tressaillir l’inconnue qui, après s’être penchée sur lui, se relevait lentement.

"Qui êtes-vous ? reprit le chevalier. Pourquoi venez-vous au secours de ma détresse ?

— Êtes-vous en état de faire quelques pas ? dit l’inconnue sans répondre à la question.

— Je puis l’essayer. Mais où voulez-vous me conduire ?

— Je veux vous sauver. Voilà tout. Pourquoi ? Comment ? Peut-être le saurez-vous plus tard. En ce moment, employez toutes vos forces à marcher. Au besoin, je vous soutiendrai. Et d’ailleurs, le chemin n’est pas long."

Le chevalier se mit debout. La tête lui tourna et il eut un geste comme pour s’appuyer sur la dame au masque de velours noir. Mais il se raidit, rassembla toutes ses forces – fouettées sans doute par la boisson qu’il venait d’absorber.

"Mort-Diable ! fit-il en essayant de reprendre toute la fierté de son maintien habituel. Un Trémazenc de Capestang souffrirait d’être soutenu par une dame, alors que son devoir est de les soutenir ! Plutôt mourir !

— Capitan !" gronda l’inconnue entre ses dents et en haussant les épaules.

Capestang n’entendit pas le mot et ne vit pas le geste. Il se mit à marcher héroïquement. Cet adverbe, nous le décernons en juste récompense à l’effort du chevalier, car plus d’un, et des plus braves, se fût arrêté dès le premier pas. Il surmonta la souffrance et se mordit les lèvres pour ne pas hurler à chaque mouvement. Seulement, un brouillard flottait sur ses yeux. Il sentait le délire le reprendre. Il s’aperçut vaguement qu’il traversait une autre salle, puis une cour, puis il crut comprendre qu’il descendait un escalier, qu’il entrait enfin dans une chambre et qu’il se laissait tomber sur un lit...


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Léonora Galigaï n’avait eu aucune peine à écarter les deux gardes que Rinaldo avait placés devant la porte de la salle où le chevalier avait été ; enfermé en attendant que Concini prît une décision. Quant au motif qui la poussait – non pas à sauver l’aventurier – mais à l’empêcher de mourir des blessures qui provenaient du fait de Concino, il n’y en avait pas d’autre que l’horoscope que Lorenzo venait de lui communiquer