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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/342

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car le vertige des sens dans cette inoubliable minute de terreur n’était rien comparé au vertige de la pensée.

Il pantelait. Une sueur d’agonie ruisselait sur son corps et y traçait des zébrures glacées. Il cherchait, de toute la frénésie de son cerveau poussée à l’extrême limite où commence la folie, il cherchait un moyen de se détruire, de se tuer, d’échapper par la mort à la prodigieuse épouvante de cette descente. Mais quoi ? Comment ? Il essaya d’une pression de sa gorge sur l’anneau qui le maintenait par le cou. Mais la position de l’anneau était calculée sans doute pour enlever au patient ce suprême recours en grâce. Il descendait. Jusqu’où descendrait-il ? Pendant combien de temps ? Des coups violents frappaient ses tempes, et c’était le sang qui affluait par ressacs à son cerveau. Et il descendait. L’inexorable mouvement de descente giratoire continuait dans le silence vers les ténèbres. Et les ténèbres étaient toujours plus basses que lui. Car à mesure qu’il descendait, le puits, autour de lui, s’éclairait, d’une sorte de lueur indécise et pâle, suffisante pour qu’il continuât à voir les ténèbres au-dessous de lui, à voir l’abîme qui l’attirait comme un Maelström souterrain, à voir la vis géante, à voir l’écrou, à se voir soi-même, descendre, descendre, sans fin, sans arrêt, descendre et tourner, la tête rasant les murailles du puits, descendre et tourner lentement uniformément, inexorablement, comme si cela devait durer des siècles ! Alors, oh ! alors, il sentit qu’un sens nouveau, inconnu, naissait, développait en lui avec une rapidité de météore, et que ce sens devenait le maître absolu de tous ses sens, de toutes ses pensées.

Et c’était là le sens de l’ÉPOUVANTE.

Capestang, enfin, saisissait la vérité ! Et cette vérité, c’était qu’il ne serait pas broyé, qu’il était condamné à descendre sans fin, sans jamais savoir où il descendait, vers quels fonds et ce qu’il y avait dans ses fonds, dans du silence, dans de la ténèbre, à descendre vers la mort. Alors, tout à coup, comme dans un effort de son désespoir forcené, il essayait de fermer les yeux et qu’il n’y parvenait pas, dans ce moment, il entendit que le puits s’emplissait d’une rumeur étrange, exorbitante, inouïe. C’étaient des cris stridents, aigus, comme les hommes ne peuvent en pousser. C’était une lamentation affreuse, qu’une oreille humaine n’eût pu entendre. C’était un hurlement frénétique qui battait de ses monstrueux échos les parois du puits infernal. C’était enfin la voix de l’épouvante. Et Capestang s’aperçut que ces cris sortaient de sa gorge, à lui ! Que cette lamentation, c’était sa plainte à lui ! Que c’était lui qui proférait ces hurlements ! Que cette voix d’épouvante, c’était sa voix à lui !

L’effroyable cauchemar se développa dans son uniformité mortelle. L’écrou géant continua de tourner lentement autour