Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/355

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sur le front, la poussait dans la petite pièce ronde, lui indiquait le chemin à suivre. Giselle, stupéfaite, voulut murmurer un mot de remerciement, mais déjà l’étrange fille s’éloignait d’elle d’un pas rapide et souverainement gracieux et disparaissait dans la salle où tout à l’heure se trouvaient la reine et Léonora. Giselle assura dans sa main un petit poignard que l’inconnue venait d’y glisser, et, forte, intrépide, résolue à mourir en se défendant si on essayait de l’arrêter, elle s’élança par la voie qu’on venait de lui désigner.


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Belphégor, à la vue de Marion Delorme, s’était abattu sur ses genoux, le front sur le plancher. Et lorsqu’il releva la tête, il demeura ébloui, extasié, les mains jointes. Resplendissante dans sa toilette de fête, toute constellée de brillants, la figure pâle, affinée et comme spiritualisée par les émotions, tandis que la fièvre mettait dans ses yeux une irritation de lumière, Marion apparut à Belphégor comme une de ces madones que les chrétiens adoraient dans leurs églises et que lui, païen, trouvait si radieusement belles. Et ce fut ce mot que balbutièrent ses lèvres livides :

"O madone, madone ! que vous êtes belle !

— Relève-toi, dit Marion.

— Non, non. A vos pieds, je suis bien. Que de fois j’ai rêvé que je me voyais ainsi ! Et c’est arrivé, ceci n’est pas un rêve, c’est vous qui êtes là, si belle, supportant la vue de Belphégor sans le chasser !"

Comment était-elle là ? Par où était-elle venue ? Par quel prodige avait-elle connu le secret des souterrains ? Aucune de ces questions ne préoccupa un seul instant l’esprit du Nubien. Son âme primitive jouissait pleinement de la joie inouïe qui l’inondait.

"Relève-toi, reprit Marion avec une sorte d’impatience et de pitié tout à la fois.

— O madone, râla la voix rauque du Nubien, laissez-moi vous adorer. Ne se met-on pas à genoux pour adorer ? Qu’est-ce que cela vous fait ?

— Tu m’aimes donc bien ?" murmura Marion.

Le Nubien ne put répondre ; mais deux larmes brûlantes jaillirent de ses yeux et tracèrent sur ses joues bronzées leur double sillon d’amour. Marion lui tendit ses deux mains. Il se jeta dessus, les saisit, les dévora de baisers furieux, et, comme elle le forçait ainsi à se relever, comme elle le voyait maintenant debout, vigoureux, haletant, les prunelles rouges