Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/356

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dans ses yeux blancs, le souffle embrasé, elle frissonna de peur et recula.

"Où est le chevalier de Capestang ?" demanda-t-elle tremblante, reculant toujours.

Chez le Nubien, le fauve s’éveillait. Brusquement, il se ramassa, prêt à bondir. La folie du rut jaillissait en flammes de son regard et en haleines brûlantes de ses lèvres entrouvertes. Il eut un geste et fit un pas. Une sorte de grognement bestial roula dans sa gorge.

"Encore un pas, Belphégor, et je me tue."

Marion, blanche comme la cire, les yeux plantés droit dans les yeux du fauve, comme une dompteuse, avait prononcé ces mots avec un accent de calme indicible : elle jouait la suprême partie. En même temps, elle portait à ses lèvres un minuscule flacon. Elle répéta :

"Un geste, Belphégor, et je bois le poison !"

Hagard, stupide de luxure furieuse, il la contempla un instant. Et Marion trembla. Une vertigineuse épouvante s’empara d’elle, comme de la dompteuse qui voit tout à coup que le fauve va la tuer. Ce fut une seconde horrible. Tout à coup, elle respira et alors employa toutes ses forces à ne pas s’évanouir sous le choc en retour de l’épouvante : Belphégor venait de s’affaisser, vaincu, dompté, sanglotant, tendant les mains et demandant grâce. Marion, en deux pas, fut sur lui, le saisit par les deux poignets, sublime d’intrépidité, et, sa bouche parfumée à une ligne de la bouche du fauve, de ses lèvres grisantes, elle dit :

"Ce soir, Belphégor, ce soir chez moi, à l’hôtellerie des Trois-Monarques, je serai à toi, à toi tout entière, vivante et vibrante d’amour. Mais tu feras ce que je voudrai."

Un râle éperdu, puis un rugissement, un grondement.

"Tout ! tout ! Je tuerai ma maîtresse et mon maître ! Je brûlerai Paris ! Tout ! Ordonnez !

— Où est ton prisonnier ?

— Ici ! gronda le Nubien en frappant le plancher du pied.

— Eh bien ! délivre-le. Amène-le-moi. Ou plutôt mène-moi à lui. Et tu n’obéiras pas à l’ordre de mort. Tu ne l’attacheras pas à la planchette. Tu ne le feras pas descendre !

— La planchette ! râla le Nubien. La planchette de fer !

— Oh ! gronda Marion, délirante elle-même. Oh ! misérable, tu hésites ! Si tu l’attaches, entends-tu, jamais je ne serai à toi ! Jamais tu ne me reverras ! Jamais je... Oh ! oh ! ces cris ! ces hurlements d’horreur ! là ! qu’est-ce ? qui hurle ainsi à la mort ?"

Venu des profondes entrailles du puits, l’exorbitante clameur montait, étouffée, funèbre, extra humaine, comme les cris d’horreur des spectres de la danse macabre. Et c’était le hurlement qu’arrachait à Capestang le vertige de la mort par l’épouvante !