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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/372

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"En ce cas, monsieur, dit-il avec un sourire intraduisible, la dame inconnue m’a laissé ceci pour vous le remettre le jour même de votre départ. Et puisque ce jour est arrivé..."

L’hôte posa devant Capestang une bourse de soie. Le chevalier la vida devant lui. Elle contenait cent pistoles. Il demeura un instant pensif ; puis se levant, il repoussa les pièces d’or et mit dans son sein la bourse de soie.

"Je garde la bourse, dit-il. À vous les pistoles.

— Monsieur, bégaya l’hôte pâle d’émotion, ceci a été prévu par la dame. Je serai embastillé si...

— Eh bien, donnez-les à ce ruffian de tout à l’heure pour les saignées qu’il ne m’a pas faites. Quant à celles qu’il m’a faites, je les lui paierai avec cent coups de pied dans le ventre. Adieu et merci, mon cher !"

Là-dessus, l’aventurier ceignit la rapière en question et sortit, laissant Gorju si stupéfait et si ému que c’était lui qui semblait se relever d’une fièvre maligne.


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"Voyons tout d’abord ce qu’a pu devenir mon brave Fend-l’Air, se dit le chevalier quand il fut dehors. Sans lui, je ne suis qu’une moitié de moi-même."

Le lecteur a peut-être oublié que le cheval de Capestang et celui de Cogolin avaient été mis en pension à l’auberge de la Bonne-Encontre, rue de Vaugirard, un peu plus loin que le Grand-Henri. Mais Capestang n’avait garde d’oublier, lui... Pour se rendre à la Bonne-Encontre, en évitant de passer devant l’hôtel Concini, Capestang pouvait descendre la rue de Tournon et remonter ensuite à la route de Vaugirard par le Vieux-Colombier et la rue du Pot-de-Fer. Mais Capestang se fût cru déshonoré d’avoir l’air de fuir. Il passa donc devant cet hôtel d’Ancre où il était accouru de si bon cœur le jour de son arrivée à Paris et qui, maintenant, lui apparaissait plus sinistre que la Bastille ou le Temple. Et pourtant, il ignorait totalement que c’était dans cet hôtel d’Ancre qu’il avait été enfermé, détenu un mois dans une chambre souterraine, et que là, enfin, sous cet édifice, existait l’horrible réalité de son horrible cauchemar.

Comme il venait de dépasser le grand portail encombré de gardes, deux jeunes gentilshommes qui, se donnant le bras et riant entre eux, sortaient de l’hôtel, s’arrêtèrent soudain en apercevant Capestang qui, d’un pas de matamore, la tête droite, le poing sur la hanche, l’attitude insolente, passait sur l’autre bord de la rue.