Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/374

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

derrière, pointa, puis, retombant, exécuta un écart prodigieux qui fit lâcher prise au valet et l’envoya rouler à dix pas. Garo s’élança avec d’autant plus d’ardeur qu’il tenait à prouver la docilité de la bête. Mais alors, sur un deuxième coup de sifflet, le cheval se jeta d’un bond au milieu de la cour ; et alors commença une série de ruades frénétiques, de sauts-de-mouton fantastiques, d’écarts brusques, de tête-à-queue imprévus – une danse étrange, affolée, affolante.

"Oh ! murmura Pontraille, il me semble que j’ai déjà vu cette enragée manœuvre-là quelque part. oh ! oh ! je me souviens ! ce fut dans le bois de Meudon ! Tripes du pape ! C’est le cheval du Capitan ! Mais alors ?"

Tout empressé, tout pâle, Pontraille sortit de l’auberge sans vouloir écouter Garo qui lui jurait que jamais... c’était la première fois… Le spadassin se mit à courir vers l’hôtel d’Ancre. Garo, furieux, saisit un fouet et s’approcha de Fend-l’Air, qui, maintenant, paisible, s’ébrouait comme une brave bête qui a bien répété sa leçon. Garo leva le fouet.

"Prenez garde, dit une voix derrière lui, vous allez vous faire tuer."

Garo se retourna et demeura frappé de stupeur comme s’il eût vu la tête de Méduse.

"Monsieur le chevalier ! balbutia-t-il, tout pâle.

— Monsieur le chevalier ! hurla Cogolin, ivre de joie. Mon maître ! Mon cher maître ! Ah ! je..."

Le pauvre Cogolin n’en put dire davantage : soit terreur superstitieuse, soit plutôt excès de bonheur, il vacilla sur ses jambes et tomba à genoux, à demi évanoui.

"Allons, lève-toi, fit Capestang en lui tendant la main. Je te pardonne d’avoir voulu vendre mon cheval.

— Ah ! monsieur, bégaya Cogolin, est-ce bien vous ? Ah ! jamais je n’éprouvai joie pareille non, pas même le jour où vous me tirâtes de cette main enragée qui me mordait à la gorge, ah ! oh ! je...

— Lève-toi, corbacque ! Et tu feras après tes salamalecs ! Non ? Tu ne veux pas de ma main ?

— Le respect, monsieur le chevalier, le respect !

— Oh ! bien, en ce cas, je vais t’aider !"

Capestang saisit Cogolin par l’oreille et le remit debout.

"Ah ! monsieur, fit Cogolin, maintenant je vois que c’est bien vous, et vous bien vivant !

— Allons, l’hôte, fit le chevalier, donnez-nous une de vos bonnes bouteilles pour remettre d’aplomb le cœur de mon écuyer... ah ! te voilà, toi !" ajouta-t-il.

Fend-l’Air était accouru et avait posé sa grosse tête osseuse sur l’épaule de son maître. Capestang la caressait avec un inexprimable attendrissement et murmurait :

"Oui, c’est moi… allons, c’est bien... nous allons reprendre nos chevauchées, nos bonnes rescousses, tu n’as pas