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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/375

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maigri, hein ? non, tu as été bien traité ; sois tranquille, je ne te quitterai plus."

Sur ce, Fend-l’Air fut réintégré à l’écurie, où il se laissa paisiblement conduire, et Capestang entra dans la salle de l’auberge, escorté par Garo qui flageolait sur ses jambes de stupeur et d’inquiétude, et, par Cogolin qui tournait autour de lui, levait les bras au ciel, jetait son chapeau en l’air pour le rattraper au vol, enfin se livrait à une mimique effarante, mais touchante, à laquelle il joignait force exclamations et cris de joie. Capestang ne laissait pas que d’être ému. Mais il croyait de sa dignité de montrer un visage impassible. Enfin, lorsqu’il eut obligé Cogolin à avaler une forte rasade qui, en effet, remit en place le cœur du fidèle écuyer :

"Explique-moi, maraud, traître, pendard, explique-moi pourquoi tu voulais vendre mon Fend-l’Air."

Cogolin tourna la tête vers Garo, comme pour implorer son aide ; mais Garo s’était éclipsé.

"Monsieur, dit-il, ce n’est pas moi, je vous jure. La preuve, c’est que j’avais, depuis le jour néfaste où je vous vis emmener tout sanglant, oublié complètement mon cheval et le vôtre, tant la douleur me tournait l’esprit.

— Pauvre garçon ! murmura le chevalier.

— La douleur, monsieur ! Et aussi la misère. Mais voilà qu’hier M. Turlupin...

— Turlupin ?

— Oui. Donc, M. Turlupin et MM. Gautier-Garguille et Gros-Guillaume...

— Gautier-Garguille ! Gros-Guillaume ! Ah çà, drôle, que signifient ces noms de bateleurs ?

— Ces messieurs sont, en effet, une société de comédiens, parmi lesquels je me suis embauché.

— Tu joues la comédie, maintenant ? fit le chevalier ébahi.

— Oui, monsieur ; à l’enseigne du Borgne-qui-prend. C’est moi qu’on met dans le sac pour recevoir la volée de coups de bâton, mais il faut vous dire que ces messieurs ont soin de frapper à côté."

Le chevalier éclata de rire.

"Eh ! monsieur, fit Cogolin, qui, dans sa joie, riait aussi, il arrive bien parfois que le bâton s’égare sur mes reins ; mais je suis habitué ; comme je le disais à ces messieurs, j’ai appris : je sais ! Donc, hier, ces messieurs, devisant entre eux, disaient qu’ils avaient besoin de leurs chevaux. Alors, j’ai poussé un grand cri. Je me suis rappelé mon rouan et M. Fend-l’Air. Je me suis dit qu’avec le prix de mes deux bêtes, je pouvais vous éviter une humiliation ?

— Une humiliation, à moi ? Veux-tu avoir les oreilles arrachées ?

— Monsieur, fit Cogolin. Je suis votre écuyer. Que dira l’histoire si jamais elle apprend que l’écuyer d’un Trémazenc de