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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/380

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terreur qui la faisait trembler. C’était une pauvre servante. Elle s’appelait Margot. Le chevalier se rappela que, lors de son premier passage, Margot l’avait regardé fort doucement et que ce soir, encore, en le servant à table, elle avait beaucoup soupiré.

"Monsieur le chevalier, dit la pauvre fille dont les dents claquaient, fuyez au plus tôt, fuyez, venez, suivez-moi, je vous ai sellé votre cheval, qui vous attend dans la cour, la porte est ouverte, vous n’avez qu’à fuir !

— Bon ! Et pourquoi fuirais-je ? Dis-moi, ma belle enfant.

— Ils veulent vous tuer ! murmura Margot en se tordant les mains. Ils sont huit ou dix rassemblés dans la petite salle. J’ai écouté. J’ai entendu. C’est affreux."

Capestang reboucla son ceinturon et tira sa rapière, qu’il se mit à essuyer et à fourbir avec un morceau d’étoffe.

"Calme-toi, ma petite, allons, n’aie pas peur. (D’un bras il entoura le cou de Margot, et il l’embrassa, ce qui la fit pâlir encore.)Tu dis qu’ils sont en bas ? Dans la petite salle ? Huit ou dix ? Corbacque, huit ou dix ! Eh bien, donc, puisque tu as peur, je vais fuir, petite. Ah ! tu es vraiment gentille. (Il l’embrasse encore, et elle tremble plus que tout à l’heure quand elle tremblait d’épouvante.) Sangdieu ! Cornes du diable ! Je vais donc fuir, puisque tu m’as sellé mon cheval. (Il s’exalte, ses yeux étincellent.) Viens, ma belle, guide-moi jusqu’à cette salle, je veux écouter, et puis fuir ! Ah ! ah ! ma rapière mignonne, vous voilà prête pour la danse, luisante et propre à souhait. Mordieu ! comme vous flamboyez ma mignonne ! Mais non, il faut fuir !

— Venez ! venez !" murmura Margot avec un grand soupir, partagée entre la joie de sauver le beau chevalier et la douleur de le pousser elle-même à la quitter.

Dans la petite salle, autour d’une table, ils n’étaient non pas huit ou dix, mais bien douze. Pontraille et Chalabre étaient arrivés les premiers, vers huit heures, et avaient habilement interrogé l’hôte. Puis Bazorges et Montreval étaient venus avec quatre des Ordinaires racolés dans l’hôtel Concini. Puis, vers dix heures, Louvignac, amenant trois coquins aux formidables moustaches et aux longues épées. Rinaldo n’avait pas été prévenu, ni Concini. Les cinq chefs de sections voulaient tout l’honneur et tout le profit. Il y avait deux cent mille livres à gagner : Concini avait porté à cette somme le prix de la tête de Capestang. Et puis il y avait que chacun d’eux avait une furieuse haine au ventre.

Autour des brocs de vin, sous la lueur fumeuse d’une lampe accrochée à un clou, ils tenaient conseil et attendaient le moment d’agir. Ils avaient des yeux de braise, des figures terribles, et pour s’exciter se racontaient leurs hauts faits de raffinés d’honneur.

Tous avaient réellement tué depuis trois jours, chacun un homme