Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/387

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— Sans doute. Pour me baiser les mains. Pour me remercier de ce que j’ai fait là-bas. Je vois que maître Gorju m’a trahie. Il me le paiera cher.

— Maître Gorju ? bégaya l’aventurier qui se croyait transporté au royaume des énigmes.

— Sans doute ! L’hôtelier des Trois-Monarques.

— Ah ! Marion, c’est vous qui m’avait fait transporter aux Trois-Monarques ! C’est vous qui m’avez sauvé !

— C’est moi", dit simplement Marion Delorme.

Le chevalier tomba à genoux. Marion pâlit devant cet hommage qu’elle devait à la reconnaissance, alors qu’elle eût donné sa vie pour le devoir à l’amour. Son sein palpita. Une larme voila l’éclat de ses yeux, elle songeait à Giselle !


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Maintenant, ils étaient assis l’un devant l’autre, et, dans ce cadre du vieux salon aux tapisseries fanées, aux grands bahuts vétustes, c’étaient deux admirables médailles. Capestang n’accumula pas les formules de reconnaissance, mais Marion sentit que, désormais, elle pouvait compter sur lui, quand même elle lui demanderait sa vie.

Il est remarquable, pourtant, que, dans les deux heures que le chevalier passa près d’elle, pas une fois elle ne prononça le nom de Giselle d’Angoulême. Elle souhaitait franchement, sincèrement, le bonheur du jeune aventurier, mais vrai ! c’eût été trop exiger d’elle que de lui demander de coopérer à ce bonheur.

Sur les instances et les questions multipliées du chevalier, elle raconta seulement sa rencontre avec Cogolin dans la rue Saint-Martin, la résolution qu’elle avait prise, son émoi, sa douleur ; puis la fête à l’hôtel Concini, puis son intervention au moment suprême dans les souterrains. Capestang apprit ainsi que c’était à l’hôtel Concini qu’il avait été emprisonné, et que son terrible rêve de la planche de fer était une réalité plus sinistre encore. Il sentit la sueur pointer à la racine de ses cheveux. Il admira l’héroïsme de Marion. Il tressaillit d’horreur, lorsqu’elle lui parla de Belphégor.

"Et qu’est devenu cet homme, ce démon, devrais-je dire ?

— Je l’ignore, répondit Marion. Je lui ai donné la récompense que je lui avais promise, et puis je l’ai renvoyé. Sans doute est-il retourné auprès de sa maîtresse, Léonora Galigaï.

— Elle le tuera. Et ce sera bien fait.

— Non. Elle a encore besoin de lui. Elle le tuera peut-être, mais plus tard.