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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/389

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m’en vais heureux. Une parole et un sourire de vous ont dissipé les nuages accumulés sur mon cœur. Souvenez-vous de la promesse que vous m’avez faite."

Elle s’était levée aussi. Une minute, ils demeurèrent l’un en face de l’autre, les mains dans les mains, les yeux dans les yeux. Brusquement, Marion se mit à pleurer. Le chevalier approcha doucement ses lèvres de ces yeux brillants de pleurs et ses lèvres burent les larmes, les dernières larmes d’amour de Marion Delorme.

"Adieu, Marion ! murmura-t-il. Songez que maintenant vous avez un frère."

Et il s’éloigna. A la porte du salon, il trouva Lanterne qui l’attendait et qui le conduisit, par des couloirs détournés, par des cours intérieures, jusqu’à une poterne. Capestang regagna à grands pas la chaumière des paysans auxquels il avait confié Fend-l’Air. Et comme il était venu beaucoup de gentilshommes des environs pour les funérailles du vieux Cinq-Mars, nul ne fit attention à lui.

Capestang reprit donc le chemin de Paris, mais cette fois sans trop se hâter. L’hiver approchait. Des souffles de froid passaient en gémissant à travers les forêts. Le ciel lui envoya plus d’une ondée glaciale. Il était râpé, un peu. La plume de son chapeau se fripait. Son manteau perdait sa couleur. Dans sa bourse, il ne restait plus que quatre ou cinq écus. Mais comme il se redressait, mordieu ! Comme tout chantait en lui ! Comme le nom de Giselle résonnait en fanfare de bonheur dans son cœur !

Comme il n’était plus qu’à quelques lieues de Paris, avant de fournir sa dernière étape, il s’arrêta dans une auberge isolée assise au bord du grand chemin royal comme une mendiante. A bourse maigre, auberge pauvre. Capestang qui avait assommé avec une bourse remplie d’or un tire-laine, Capestang, qui ne pouvait pas garder cinq pistoles dans ses poches, ménageait ses derniers sols avec une parcimonie qu’il faut expliquer, car ce trait éclaire encore ce type extraordinaire : c’était pour Fend-l’Air ! Capestang se fût passé de manger, mais la ration de son cheval était toujours entière !

Ce jour-là, donc, ayant mis Fend-l’Air à l’écurie, il entra dans la salle enfumée, enténébrée, piteuse, de cette masure qu’un bouquet de buis suspendu à la porte indiquait seul comme étant une auberge. La salle était toute petite. Il y avait deux tables, chacune avec deux bancs. L’une de ces tables était près de la cheminée, où brûlait un fagot ; l’autre table était à l’autre bout. À celle qui avait été placée près du feu, deux gentilshommes étaient assis devant une bouteille de vin à laquelle ils se gardaient bien de toucher, et séchaient leurs manteaux trempés par la dernière averse.

À l’entrée de ce nouveau venu, les deux gentilshommes cessèrent aussitôt un entretien qu’ils tenaient à voix basse.