Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

si plaisant : l’hôte frémit et porta la main à son cou comme pour le protéger, et enfin Turlupin s’écria :

"Touchez là, mon gentilhomme, vous mériteriez de jouer la comédie.

— Mais, fit Capestang très sérieux, je la joue tous les jours.

— Bah ! Et quel rôle remplissez-vous ?

— Celui du Capitan, dit l’aventurier en vidant son gobelet.

— Un confrère ! s’écria Turlupin avec enthousiasme.

— Je m’en étais douté rien qu’à son air ! fit Gautier-Garguille.

— Et moi, rien qu’à sa façon de commander à boire ! dit Gros-Guillaume.

— Monsieur, reprit Turlupin, quand vous voudrez, nous nous associerons ; je serai infiniment honoré de vous donner la réplique dans quelque sotie, farce ou moralité de votre composition.

— Tout l’honneur sera pour moi, dit simplement l’aventurier. Je retiens la proposition que vous me faites et, à l’occasion, j’en appellerai à vos illustres talents, messieurs !"

Capestang, donc, ayant régalé comme on vient de voir la glorieuse société Turlupin non seulement de bon vin, mais de politesses meilleures encore, ayant laissé à l’hôte la monnaie de l’écu d’or destiné à payer la dépense, générosité qui consola instantanément le digne homme, Capestang s’était dirigé vers la route de Vaugirard, suivi à trois pas réglementaires par Cogolin.

"Adieu pour jamais ! jubilait Cogolin ; adieu, coups de trique, adieu la guigne, vive la chance ! Il est certain que mon maître a fait fortune, et je vais enfin connaître la gloire de faire mes quatre repas par jour, excepté aux vigiles, carêmes et quatre-temps, pendant lesquels je ferai cinq repas au lieu de quatre, en expiation des temps où je ne mangeais qu’une fois tous les deux ou trois jours."

Cependant, lorsque Cogolin vit qu’on prenait le chemin de l’auberge de la Bonne-Encontre et non de quelque somptueuse hôtellerie, un doute mélancolique descendit sur son esprit et voila de sa brume les visions fastueuses qu’il évoquait.

Adhémar de Trémazenc de Capestang s’installa donc à l’auberge de la Bonne-Encontre, en attendant, dit-il au fidèle Cogolin, de s’installer en quelque magnifique hôtel sur la grande porte duquel il ferait sculpter son blason.

"Car, ajouta-t-il, étant venu à Paris pour faire fortune, il est impossible que je ne devienne pas un riche seigneur, et alors tu seras mon intendant général. Pour le moment tiens-toi en repos et va me seller mon cheval !"

Toute cette journée, Capestang l’employa à courir à la recherche de Giselle d’Angoulême. La joie profonde et lumineuse qu’il avait éprouvée à Effiat commençait à s’atténuer. D’abord, il lui avait