Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/440

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des hideux gamins elle-même s’était enfin dispersée.

Violetta entra dans la rue des Barrés et pénétra dans l’auberge de la Sarcelle-d’Or. Lorenzo attendit quelques minutes, puis entra à son tour. La salle était déserte. Il n’y avait là que la cabaretière, dame Léonarde, rangeant ses pots, ses gobelets et ses brocs. Elle connaissait le nain pour avoir été deux ou trois fois à la maison du Pont-au-Change.

"Que vient faire céans ce sorcier ?" grommela-t-elle, non sans émoi.

Lorenzo fouilla dans son aumônière, en tira un écu d’or et le plaça sur une table devant Léonarde.

"Que faut-il vous servir, maître ? fit avec empressement la cabaretière, oubliant aussitôt ses terreurs.

— Cet écu est pour vous, dit Lorenzo. Mais je ne désire de vous que quelques renseignements.

— Parlez, fit Léonarde en raflant la pièce d’or.

— Cette femme qui vient d’entrer ici, la connaissez-vous ? Où habite-t-elle d’habitude ? Qui est-elle ? Songez que, si vous me dites tout ce que vous savez, il y a dans mon escarcelle d’autres écus semblables à celui que je viens de vous donner. Songez aussi que, si vous me trompez, j’ai le moyen de le savoir et de m’en venger, même de loin.

— Je ne le sais que trop, fit la cabaretière en pâlissant, puisqu’on dit que vous êtes sorcier. Au fait, qui m’assure que cette pièce d’or ne sera pas changée ce soir en une feuille sèche ou un morceau de plomb, ou un charbon, comme on dit que la chose est arrivée à mainte personne ayant reçu de l’or ou de l’argent de quelque suppôt de Satan ?"

Lorenzo sourit avec mépris.

"Tracez une croix sur cette pièce avec la pointe d’un couteau, dit-il. Si ce n’est qu’une illusion diabolique, elle ne pourra supporter le signe de rédemption."

Dame Léonarde s’empressa d’obéir, et, ayant gravé une croix sur la pièce, constata avec satisfaction qu’elle gardait toute sa belle apparence d’écu d’or. Alors, elle invita Lorenzo à s’asseoir, s’assit elle-même devant lui, et, rassurée, en bonne commère dont la langue ne demande qu’à fonctionner :

"Vous saurez donc, fit-elle, que cette pauvre dame est entrée dans mon auberge voici tantôt un mois. Elle pleurait comme pouvait pleurer la Madeleine au pied de la sainte croix, et tout ce que je pus obtenir d’elle, ce fut qu’on venait de lui enlever sa fille et qu’elle ne voulait plus rentrer dans son logis, de crainte d’être enlevée elle-même. Elle me dit qu’elle s’appelait Violetta, et qu’elle n’avait pas d’autre nom..."

Lorenzo hocha la tête. Ces détails concordaient parfaitement avec ce qu’il savait.

"Cette pauvre chère dame, continua Léonarde, pleurait tellement que je résolus de lui offrir l’hospitalité, bien qu’elle fût sans argent ou presque, et que, à ses paroles incohérentes, je