Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/444

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aurai donné la toute-puissance de la royauté ; à ce moment-là seulement, Concino me tuera. D’ici là, Concino m’obéira comme un enfant ; pour l’instant, il se réconcilie avec Marie de Médicis."

Un soupir terrible gonfla le sein de Léonora.

"Ainsi, reprit Lorenzo, vous êtes décidée toujours à pousser Concini jusqu’à la royauté ?

— Pourquoi aurais-je changé de volonté ? fit Léonora chez qui le soupçon était prompt à s’éveiller. N’est-ce pas toi-même qui m’as assuré que la chose était possible ?

— Oui, oui, et je vous l’assure encore.

— C’est à cela que je travaille, Lorenzo ! Condé est à la Bastille. Angoulême est à la Bastille. Il ne reste plus que Guise. Une fois débarrassée de ces trois conspirateurs, le reste n’est plus qu’un jeu pour moi. J’ai sondé les principaux partisans d’Angoulême et de Condé. Je sais le prix qu’il faudra mettre à leur concours. Lorsque tout sera prêt, Concini marchera sur le Louvre, et de ses mains arrêtera le petit roi !

— Ainsi, vous renoncez à le tuer ?

— Oui, dit Léonora avec une effrayante froideur. Sa mort est inutile et dangereuse, avant. Nous verrons après. Mais, Lorenzo, il faut d’abord que je remette la main sur ce Capestang. Je hais cet homme qui a fait avorter tous mes projets. Dussé-je y engager ma propre vie, gage de la puissance de mon Concino, je ne veux pas partir de ce monde avant de l’avoir vu mort. Je ne veux pas surtout laisser Giselle derrière moi. Non, vois-tu, je mourrais trop malheureuse ! Lorenzo, il faut que tu m’aides à les retrouver. Tu sais la foi que j’ai en ta science. Tout ce que tu m’ordonneras, je le ferai. Eh bien ? Tu ne me réponds pas ? Que penses-tu ?"

Lorenzo semblait plongé dans une méditation profonde. Il songeait ceci :

"J’ai à choisir entre Giselle et Léonora ! entre Capestang et Concini ! entre le bien entré en moi depuis si peu, et le mal, auquel j’avais voué ma vie. Si je choisis le mal, non seulement je deviens un puissant personnage, mais encore j’assure la réalisation du grand rêve de haine et de bouleversement qui a soutenu mon existence jusqu’à l’heure où j’ai senti le remords pénétrer en moi. Si je choisis le bien, tout s’écroule et je risque ma vie.

— Pourquoi ne me réponds-tu pas ?" reprit Léonora.

Lorenzo garda encore le silence. Il descendait en lui-même. Il se débattait avec les suggestions de ténèbres. Son visage, cependant, demeurait immobile, impassible.

"Les retrouver ? murmura-t-il enfin, comme s’il fût redescendu sur terre.

— Oui, fit Léonora, les dents serrées : les retrouver !

— J’y songerai, dit Lorenzo. Allez en paix, madame.

— En attendant, reprit Léonora, je vais faire étroitement