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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/449

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meurt... Violetta ! Oh ! ces paroles d’infinie tristesse que parfois dans ses heures sombres, elle murmurait : « Pauvre violette, achève de te faner ! »... Elle meurt, monsieur, je sens, je sais qu’elle meurt ! Et moi, sachant que ma mère est morte loin de moi, sans consolation, désespérée, je ne sais quel bonheur au monde pourra me donner la force d’oublier et de vivre."

Le nain râlait. Le nain pleurait. Il pleurait les premières larmes de sa vie. Et c’était un groupe d’une indicible puissance d’émotion, cette belle fille à la douleur si digne, et cet avorton de nature dont le sombre visage portait à ce moment le reflet de la rédemption !

"Merci, monsieur, murmura Giselle, merci non pas seulement d’être venu me prévenir, me sauver une fois encore, mais surtout de ces larmes que vous versez sur le malheur de ma mère !"

Et elle était auguste en parlant ainsi, auguste comme l’amour filial - et charmante, avec le sourire qu’elle s’efforçait de mettre sur ses lèvres pâlies, douloureusement charmante. Lorenzo parut ne pas avoir entendu ces mots...

"Ainsi, reprit-il, vous estimez donc que celui qui vous rendrait madame votre mère sauverait à la fois sa vie et la vôtre ?

— Sur mon âme, je le crois ! dit Giselle.

— Répétez ! oh ! répétez-le ! sanglota le nain, courbé devant Giselle. Répétez ces paroles qui délivrent mon âme, qui l’arrachent à l’abîme de ténèbres et la font monter à la lumière du pardon !..."

Lorenzo tomba à genoux.

Un ineffable étonnement emplit l’esprit de Giselle. Ce soupçon qui, tout à l’heure, s’était présenté à elle dans une lueur d’éclair, se précisa, mais elle le repoussa. Elle répéta :

"Oui, je l’ai dit. Je le répète ; celui qui nous réunirait aurait sauvé ma vie et celle de ma mère."

Lorenzo, un moment, demeura agenouillé, et, pendant quelques minutes, Giselle, palpitante, la pensée exorbitée devant ce qu’elle entrevoyait, n’entendit que les sanglots du damné prosterné à ses pieds. Lorsque Lorenzo se releva, Giselle reconnut à peine ce visage transfiguré. Une sorte de sérénité s’était étendue sur ses traits. Il ne pleurait plus.

"Mon enfant, dit-il, permettez-moi, je vous en supplie, de vous appeler ainsi une fois dans ma vie. Ce sera la fugitive illusion du bonheur que tous les hommes connaissent et qui m’est défendu à moi ! Mon enfant, permettez-moi une question : êtes-vous riche ? Je veux dire, avez-vous assez d’argent pour n’avoir pas à souffrir des hasards de l’existence ? Vos biens seront sans doute confisqués, et...

— Hélas, que ne suis-je pauvre, pauvre avec ma mère ! Mais, rassurez-vous sur ce point, bon vieillard. Rien que dans les caves du château, mon père a caché trois cent mille livres en or. Il y en a à peu près autant dans les caves de l’auberge