Aller au contenu

Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/450

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont je vous parlais tout à l’heure. Il y en a encore autant dans l’hôtel de Marie Touchet, rue des Barrés.

— Et vous me dites tout cela à moi ! Un inconnu !

— Vous n’êtes pas un inconnu, vous qui avez pleuré avec moi sur ma mère ! Dieu m’est témoin que je livrerais volontiers tout cet or à celui qui me donnerait une seule indication !"

Lorenzo demeura un instant pensif.

"Je haïssais l’humanité ! murmura-t-il sourdement. Est-ce que la présence de pareils anges parmi les hommes ne suffit pas à faire oublier tout ce que l’univers peut contenir de démons ! Venez, reprit-il, venez, madame. Ne m’interrogez pas. Ayez foi en moi. Tout ce que je puis dire en ce moment, et je vous le jure sur le salut de mon âme, c’est que vous ne sortirez pas de Paris sans votre mère."

Giselle pâlit et poussa un cri déchirant :

"Vous savez !... Ah ! vous savez...

— Rien ! dit Lorenzo. Vous ne pouvez rester ici une minute de plus sans danger, voilà ce que je sais ! Vous ne sortirez pas de Paris sans Mme la duchesse d’Angoulême, voilà ce que je vous jure !"

Giselle tremblait. Elle comprenait, elle savait que cet homme en savait plus long qu’il ne voulait dire, qu’il tenait en ce moment sa destinée dans ses mains.

"Oui, partons, dit-elle fébrilement. Pour sauver mon père et ma mère, il faut avant tout que j’assure ma liberté. Ne restons pas une minute de plus dans cet hôtel."

Elle se couvrit en hâte d’un manteau, appela la servante fidèle qui avait introduit Lorenzo, et tous trois, empressés, sortirent de l’hôtel d’Angoulême. Lorenzo marchait en avant. Au détour du Pont-Neuf stationnait un carrosse.

"Montez !" dit-il.

Giselle eut une seconde d’hésitation.

"Par le saint sacrement, dit Lorenzo, d’une voix tremblante, je vous jure que nous n’avez rien à redouter."

Giselle monta dans le carrosse. Alors Lorenzo, demeuré sur la chaussée, murmura :

"Un mot, maintenant : dès demain, je m’occuperai de retrouver quelqu’un qui peut à lui seul avec son épée, autant que Concini avec tous ses sbires. Ce quelqu’un s’appelle le chevalier de Capestang !"

En même temps, Lorenzo ferma la portière, sauta sur le siège, près du cocher, et le carrosse s’élança. Giselle avait jeté un cri et, toute palpitante, avait caché son visage dans ses deux mains. Et son imagination enfiévrée la transporta au fond des bois de Meudon, par une belle journée d’été, à ce moment où le soleil couchant faisait flamboyer à la fois l’épée et le regard du chevalier surgi à son secours.

"Pourquoi ! murmura-t-elle au fond de son cœur tout pantelant, oh ! pourquoi ai-je alors mis le nom de Cinq-Mars sur cette étincelante apparition ! Pourquoi ai-je, sur