Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/462

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reste de cire qui avait servi à éclairer Cogolin. Alors, il pénétra dans la grande salle, alla poser son flambeau sur une vieille table oubliée là et se retourna vers le duc de Guise :

"Bonsoir, monseigneur, me reconnaissez-vous ?

— Le Capitan !" gronda le duc stupéfait, mais rassuré encore par cette pensée que l’homme qui venait de le sauver ne pouvait lui vouloir aucun mal.

Capestang hocha la tête et dit :

"En effet, monseigneur : le Capitan ! Autant ce nom-là qu’un autre."

Cette voix acerbe, l’éclair aigu du regard, le geste insolent firent comprendre à Guise que la situation était menaçante. Il jeta un rapide coup d’œil autour de lui, assura son poignard, et, faisant un pas :

"Allons, dit-il dédaigneusement ; accomplissez la mission dont on vous a chargé ; conduisez-moi à la réunion.

— Monseigneur, fit Capestang, il n’y a pas de réunion ici. Personne ne peut me charger d’une mission. C’est moi, moi seul qui me suis donné à moi-même l’ordre de vous conduire dans cette salle, et vous voyez que je me suis obéi, puisque vous y voici !"

Guise se redressa, frémissant, la physionomie empreinte de cette majesté violente qui était la marque de sa famille.

"Un guet-apens ! gronda-t-il d’un ton de suprême hauteur.

— Un guet-apens ? Non, monseigneur. Si je vous avais voulu la malemort que suppose un guet-apens, je n’avais qu’à laisser faire les alguazils qui vous ont été dépêchés, et je n’aurais pas en ce moment l’honneur de m’entretenir avec vous."

Au fond, c’était bien aussi l’idée de Guise : pourquoi le Capitan l’aurait-il sauvé s’il lui avait voulu du mal ?

"C’est bien, dit-il de ce ton rude et sombre qui lui était particulier, vous avez voulu l’honneur d’une audience particulière. En raison de votre courageuse intervention de tout à l’heure, je vous pardonne la manière dont vous vous y êtes pris pour vous procurer cette audience. Maintenant, dites-moi vite ce que vous voulez."

Capestang ne fut pas démonté par cette insolence. Il admira la bravade en homme qui s’y connaît. Mais, résolu à ne reculer sur aucun terrain, il accentua son attitude de fierté, se campa héroïquement :

"Monseigneur, répondit-il d’une voix plus rude encore que celle du duc, vous rappelez-vous cette rencontre que nous eûmes dans cette pauvre auberge perdue sur la route de l’Orléanais, et où je vous trouvai avec M. de Montmorin, que vous laissâtes aux prises avec moi ?

— Non ! fit Guise d’un air d’indicible dédain. Je ne me souviens pas."