Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/464

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et la provocation était en lui dans ce moment terrible où se jouait sa destinée. Il crut que d’un dernier mot il allait vaincre Capestang.

"Allons, bravo ! grinça-t-il, tu peux bien assassiner le duc de Guise, mais tu ne pourras te vanter d’avoir croisé l’épée contre lui !

— Est-ce votre dernier mot ?" prononça Capestang, livide.

Guise haussa les épaules. Capestang rengaina sa rapière.

"Je l’ai vaincu !" gronda Guise en lui-même.

Capestang fit deux pas vers le duc et lui mit sa main sur l’épaule.

"Monseigneur, dit-il d’une voix effrayante, Dieu m’est témoin que je voulais vous éviter la Bastille.

— La Bastille ! La Bastille !" râla Guise.

Et l’orgueilleux seigneur, assommé par ce mot, les traits décomposés, les yeux hagards, convaincu qu’il y avait là une troupe prête à l’arrêter, Guise balbutia :

"Allons, c’est bien, mon brave ! Puisque vous tenez absolument à en découdre...

— Trop tard, monseigneur ! interrompit Capestang glacial. Dès ce moment, vous ne m’appartenez plus. Monsieur le duc, au nom du roi, je vous arrête.

— Vous m’arrêtez ! bégaya le duc pris de vertige. Oh ! mais qui êtes-vous donc, vous qui venez au nom du roi ? Oh ! mais vous mentez ! Vous êtes le Capitan !

— Non, monseigneur ! répondit Capestang d’une voix éclatante, je suis le chevalier du roi !

— Ah ! tu es le chevalier du roi ! Et tu m’arrêtes ! Eh bien, meurs donc !"

Guise avait poussé un rugissement, et, dégainant son poignard à l’instant même, en avait porté un coup terrible à Capestang. La lame ne rencontra que le vide : Capestang s’était jeté à plat ventre. L’instant d’après, Guise le vit debout, à trois pas de lui, les bras croisés, très calme. Le duc marcha sur Capestang. Dans cette minute, le chevalier de Capestang joua sa vie sur un coup de dés. Il demeura les bras croisés - comme Guise tout à l’heure.

"Monseigneur, dit-il, vous ne m’appartenez plus, je n’ai plus le droit de vous enfoncer dans la gorge le poignard dont vous allez me frapper ; vous pouvez donc me tuer ! Mais faites attention que vous tuez l’envoyé du roi de France !"

Le bras de Guise, qui déjà se levait, retombait pesamment.

"Pour m’avoir tué, vous n’en serez pas moins arrêté par mes gens."

Guise demeura hébété, frappé de cette stupeur des fauves pris au traquenard.

"Et vous aurez fait rébellion ouverte, à main armée !"

Guise, pantelant, recula.

"Vous serez donc décapité, monseigneur !"

Guise grogna un juron confus et jeta son poignard.