Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/474

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De cette journée du lendemain, dont nous avons à raconter les dramatiques péripéties, nous devons commencer par la fin et relater tout d’abord un incident qui se passa dans la soirée, à l’auberge de la Bonne-Encontre.

Cette journée, Capestang l’avait passée dehors, pour voir l’attitude de Paris. Le soir il était entré fatigué, assez sombre, et ruminant des pensées qu’il s’efforçait vainement d’écarter. Une sorte de pressentiment s’était affermi en lui : il lui avait semblé que ce jour où il sauvait en somme le roi et la royauté allait lui apporter quelque éclatante récompense sur le rayonnement de laquelle il avait vu se dessiner le profil fier et doux de Giselle. Notre aventurier, vers huit heures du soir, était rentré en son auberge, mal content de lui-même, du roi, de Condé, de Giselle, de tout, de tous, ce qui prouvait qu’il ne savait à qui s’en prendre de sa déconvenue.

Capestang, donc, se jeta tout habillé sur son lit et, la nuque sur les deux bras croisés en arrière, les yeux attentifs à suivre le travail d’une araignée qui tissait sa toile entre deux solives du plafond se plongea dans des réflexions plus ou moins nébuleuses. Cela dura une heure. C’était beaucoup pour lui. Au bout de cette heure, il sauta sur ses pieds.

"Bah ! fit-il rageusement, ce sera l’affaire d’un flacon de bon saumur. Cogolin ! Holà ! Cogolin ! Holà ! monsieur le drôle ! Il est neuf heures, et je n’ai pas encore soupé !"

Cogolin apparut, dressa la table sans mot dire, contre son ordinaire ; puis il s’en fut quérir le souper de son maître ; Capestang, impressionné par ce silence, se mit à manger en maugréant force jurons qui, quoi qu’il en eût, ne lui coûtaient pas un coup de dents.

"Ah çà ! s’écria-t-il, lorsqu’il eut terminé, que signifient ces airs de mélancolie ? Çà ! qu’on se mette à rire, faquin, ou c’est moi qui vais te faire pleurer."

Cogolin fit aussitôt entendre un éclat de rire semblable au grincement d’une girouette.

"Te tairas-tu, maraud ! fulmina Capestang.

— Mais monsieur le chevalier m’a ordonné de rire, bien que j’aie envie de pleurer. Alors, je ris."

Et, du bout des dents, Cogolin recommença à grincer ce qu’il appelait un éclat de rire.

"Voyons, tu me romps la tête avec ton rire, et tu me fends le cœur avec tes larmes. Pourquoi pleures-tu, Cogolin ? Dis-moi cela. Ta maîtresse t’aurait-elle trahi ? Tes cheveux menaceraient-ils de repousser ?

— Monsieur, je vous en prie, appelez-moi Laguigne ! Cogolin