Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/483

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dont les regards étincelaient au fond des lourds cadres d’or, les sièges dorés disposés pour recevoir la première gentilhommerie du monde, et, au fond de la salle, sous un dais de velours bleu parsemé de fleurs de lis, sur son estrade élevée de six marches, le trône d’or massif, le siège symbolique sur lequel, seul, il avait le droit de s’asseoir !...

Et, dans ce regard éperdu d’une seconde, il vit qu’il y avait dans la salle du trône deux cents gentilshommes haletants, la main à la garde de l’épée, il vit Luynes qui l’encourageait, il vit Concini, il vit ses gardes, ses officiers, il vit la reine Anne qui s’avançait radieuse de beauté, calme, grave, rayonnante en la fleur de sa jeunesse. Il vit les dames d’atours qui l’escortaient, tout cet ensemble prestigieux l’enfiévra, toute cette mise en scène fastueuse, guerrière, élégante et terrible déchaîna en lui l’orgueil du commandement. Il se sentit roi, et, d’une voix éclatante, cria :

"Monsieur, nous vaincrons, ou nous mourrons ici !

— Vive le roi ! - Vive le roi ! - Vive le roi !"

Une énorme acclamation montait, délirante, se déchaînait en tempête et répondait à la tempête qui grondait au-dehors, sur la place. Et vers cette place, Louis XIII, le petit roi, allait se retourner tout fier quand à ce moment, plus loin que ses gentilshommes et que ses officiers, plus loin que la reine et les dames d’honneur, plus loin que les gardes, dans un encadrement de porte, ses yeux tombèrent sur une figure livide qui dardait vers lui un regard mortel. Cette figure souriait. Et ce sourire fit passer sur l’échine du petit roi le frisson avant-coureur des épouvantes. Et tout bas, il murmura :

"Léonora Galigaï !..."

Et, tout à coup, l’horreur pénétra en lui violemment ; tandis qu’il considérait Léonora, une voix murmura :

"Celle qui a enivré votre cheval ! Celle qui a tenté de vous empoisonner ! Celle qui veut vous tuer avec l’aide de son mari Concini ! Prenez garde, sire ! prenez garde à cette femme ! Car il y a en elle plus de menace qu’il n’y en a dans toute cette foule énorme !... Sire, faites fouiller chez Léonora et vous aurez la preuve !..."

Le jeune roi se sentit devenir livide. Cette voix ! D’où venait-elle ! Cette voix qui jetait en lui le germe des terreurs que la mort seule apaise, semblait venir d’en bas ! À ses pieds ? Oui, à ses pieds ! Il regarda à ses pieds, et vit une sorte d’avorton, un nain qui se glissait, s’éloignait, et déjà disparaissait sans qu’il pût songer à autre chose qu’à cette parole effroyable :

"Léonora Galigaï ! Celle qui a tenté de vous tuer ! Qui veut vous tuer, avec l’aide de Concini !..."

Lorsque Louis XIII revint au sens de la situation, lorsqu’il voulut donner l’ordre de lui ramener ce nain, l’avorton n’était plus là ! La reine, les dames, les officiers, les gentilshommes, les gardes s’étaient rapprochés, l’entouraient, et la clameur