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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/484

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de glorification battait des ailes aux quatre coins de l’immense salle du trône !

"Vive le roi ! Vive le roi ! Vive le roi !"

Ce qu’avait vu Louis XIII, ce que lui avait montré Luynes d’un grand geste, ce qui avait surexcité en lui les idées guerrières et éveillé l’instinct de domination qui est au cœur des rois ce que l’instinct de liberté est au cœur du peuple, c’était cette foule épaisse, profonde, qui se heurtait aux compagnies d’Ornano, ces bannières que le vent faisait claquer, ces vastes tourbillons d’où montait la voix furieuse de l’émeute, ces multitudes de visages pâles, ces éclairs de regards menaçants, ces milliers de poings tendus vers le Louvre. Et que disait l’énorme hurlement populaire ?

"Vive le libérateur du peuple ! - Vive Guise !"

Il était midi. Le duc de Guise allait sans doute apparaître. Il eût dû être là déjà, puisque midi était l’heure où il devait faire son entrée au Louvre. Ornano l’attendait dehors. Vitry l’attendait dans la cour. Le roi l’attendait dans la salle du trône. Le peuple l’attendait et l’appelait sur la place. Et peu à peu, les clameurs se faisaient plus violentes ; des mouvements lents de balancements en avant et en arrière, des flux et reflux se produisaient plus larges, plus menaçants. La colère se déchaînait, sans qu’on sût pourquoi...

"Messieurs, voici le moment de vaincre ou de mourir !"

Et dans ce moment même se produisit un de ces étranges phénomènes qui font que la foule demeure la plus mystérieuse, la plus incompréhensible des chimères. Soudain, sans qu’on sût comment et pourquoi, ce peuple qui s’élançait sur les compagnies se mit à reculer... On vit, dans cette multitude, des gens se parler, avec des gestes affolés. Des groupes se formèrent autour d’un homme qui expliquait on ne savait quoi, puis d’un autre et, en deux minutes, ils furent cent qui expliquaient quelque chose à des groupes.

Le roi assistait avec stupeur à ce bouleversement inouï. Il voyait la masse énorme se disloquer, puis les groupes eux-mêmes s’émiettaient... des gens jetaient avec fureur leur pertuisane ou leur arquebuse et s’en allaient. La place du Louvre se vidait ; cela dura une demi-heure. À ce moment, il n’y avait plus que deux ou trois cents hommes sur la place ; bientôt ils ne furent plus que cent... que cinquante... Les derniers s’en allèrent et, au loin, on n’entendit que les rumeurs éparses dans Paris s’apaisant peu à peu.

"Dieu a fait un miracle ! dit Richelieu en levant la main au ciel.

— Vive le roi !" rugirent les gentilshommes assemblés.

Étourdi, plein de défiances et de soupçons, Louis XIII rentra dans son cabinet. Vers quatre heures, un silence lugubre, plus effrayant peut-être que les hurlements du matin, pesait sur Paris. Et alors, dans le cabinet du roi, on eut l’explication de l’étrange phénomène. On sut pourquoi Paris renonçait à