Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/495

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— Taisez-vous !" vociféra le nain haletant.

Cogolin, du coup, se laissa tomber à plat ventre et râla :

"Tuez-moi tout de suite, et que cela finisse !

— Allons, relevez-vous, dit Lorenzo. Vous êtes un bon serviteur. Mais si votre maître n’est pas malade, que voulez-vous pour lui ? Serait-il amoureux ?

— Non... c’est-à-dire si fait... balbutia Cogolin en se redressant. Mais ce n’est pas cela. La vérité est que mon maître est ruiné, comme je crois vous l’avoir dit. Alors, je pense, j’espère qu’il voudra aller chercher fortune en quelque honnête maison où l’on donne à jouer. Alors, je désire... un bon talisman... que je lui remettrai... pour gagner !"

Lorenzo éclata de rire. Le rire frénétique, le rire nerveux, le rire impossible à réfréner, le rire d’immense et sublime joie, le rire mêlé de larmes, le rire enfin du père ou de l’amant à qui le médecin annonce que la mort s’éloigne de l’enfant ou de la femme aimée !...

"Sauvées !" rugit-il en lui-même.

Cogolin ouvrait des yeux terribles, mais, crainte de s’attirer une nouvelle colère du sorcier, il essayait de le flatter en riant aussi, la bouche fendue jusqu’aux oreilles. Belphégor commençait à avoir des gestes d’impatience.

"N’est-ce que cela ? s’écria Lorenzo. Écoutez, mon brave. Je vais vous donner un talisman qui procurera à votre maître une fortune royale.

— Oh ! oh !" murmura Cogolin, chez qui toute terreur disparut aussitôt.

Belphégor haussa les épaules et gronda :

"Si le nain savait ce qui l’attend, il ne se donnerait pas tant de mal pour gagner cinq pistoles !

— Un talisman ! continuait Lorenzo... Que ne le disiez-vous tout de suite ? Je n’aurais pas fait attendre ce digne Nubien qui a à me dire des choses intéressantes. N’est-ce pas, Belphégor ?... Un talisman pour gagner une fortune ! Je vais vous donner le meilleur. C’est une prière.

— Une prière ? fit Cogolin haletant de joie après avoir haleté d’épouvante.

— Oui, une prière à Mercure, dieu de l’argent.

— Ah ! Ah ! C’est exact ! Mon ancien maître le régent... mais voyons la prière.

— Je vais l’écrire. Il faudra que votre maître l’apprenne par cœur. Vous m’entendez ?

— Par cœur, oui, maître sorcier !

— Dès cette nuit. Car nous sommes justement sous l’influence de Mercure. Demain, vous m’entendez, demain, il serait trop tard...

— Peste ! Il l’apprendra dans une heure au plus tard.

— En êtes-vous sûr ? fit Lorenzo avec un calme stoïque.

— Aussi sûr que je le suis de vous parler en ce moment. Je le réveillerai. Je lui remettrai la prière. Et je l’empêcherai de dormir