Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/5

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Et cet homme, c'est Concino Concini... L'amant de la reine !


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Le matin du 5 août de cette année 1616...

Rue de Tournon, un hôtel qui a des allures de forteresse royale, avec sa cour pleine de gardes, son monumental escalier sillonné de valets chamarrés, ses somptueuses antichambres encombrées de courtisans : c’est le logis de Concino Concini, gouverneur de Normandie, marquis d’Ancre, maréchal de France et Premier ministre de Louis XIII...

Le cabinet des audiences, vaste pièce où l’art de l’Italie et l’art de la France ont prodigué leurs chefs-d’œuvre – tableaux, meubles, marbres et bronzes. Voici Concini !

Il est de taille moyenne, vigoureux, nerveux, d’une rare, d’une exquise élégance. Son beau visage est éclairé par des yeux de félin, tantôt d’une étrange douceur, tantôt fulgurants. Il a le masque audacieux et trouble des grands aventuriers. C’est peut-être l’âme d’un Néron ou d’un César Borgia qui palpite dans ces gestes volontaires, dans ces attitudes d’orgueil.

Il se penche sur quelqu'un qui, à demi courbé, l'écoute avidement. Et tandis que dans la foule des solliciteurs on se demande ce qui se prépare derrière cette porte de cabinet, de quelle fête le maître va éblouir Paris ou de quel impôt il va l'écraser, voici ce que dit Concini d'une voix sourde :

"La haine, oui, Rinaldo, c’est quelque chose ! Je l’ai dans les moelles. Oui, je hais jusqu’à la damnation ce duc d’Angoulême. Les autres, les Guises, les Condés, ce n’est rien que truandaille affamée d’honneurs ou d’argent. Lui, c’est le redoutable adversaire. Je le tuerai, ou il me tuera. Rinaldo, je donnerais dix ans de ma vie pour tenir Angoulême et, de mes mains, lui arracher le cœur, mais...

– Allez donc, monseigneur ! ricana l’homme avec une familiarité insolente et obséquieuse.

– Mais la haine, reprend Concini d’une voix ardente, cette haine que j’ai pour le duc d’Angoulême, eh bien ! elle s’évanouit quand l’amour parle en moi. Cette fille, il me la faut, vois-tu ! Fortune, honneur, puissance, haine, il n’y a plus rien quand l’image de Giselle s’évoque en moi. Rinaldo, je meurs si Giselle n’est à moi. Rinaldo, la passion me brûle le sang, me déchire le cœur, et la passion envahit mon cerveau...

— Patience, monseigneur, on la retrouvera, cette Giselle !

— Oh ! si j’en étais sûr ! Si seulement je pouvais espérer ! De l’argent, Rinaldo, de l’or, des places, tout ce que tu voudras, si tu la retrouves !... Qui peut-elle être ? De grande famille, à coup sûr, mais laquelle ?...

— On le saura monseigneur. Patience, vous dis-je !

— Ah ! gronde Concini, avec un geste violent. N’avoir