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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/503

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n’est pas lui qui eût dit Mme la marquise en parlant de Marion Delorme. L’arrivée soudaine de cet homme que tout le monde croyait à la Bastille, le désordre de sa physionomie firent trembler le digne homme.

"Conduis-moi au comte de Cinq-Mars, dit le duc.

— Pardon ! monseigneur, M. le marquis, à cette heure ! Le père de monsieur a rendu son âme à Dieu.

— Mort ! fit sourdement le duc. Cinq-Mars est mort !"

Un instant, il songea que le vieux Cinq-Mars était presque la tête de la conspiration, et que sans lui... mais il secoua la tête : sa fille, d’abord !

"C’est bien, dit-il, conduis-moi à ton maître.

— Parti, monseigneur. L’hôtel est vide.

— Parti ? balbutia le duc qui sentit sa tête s’égarer. Parti... seul ? Réponds ! La vérité ?

— Seul, monseigneur... ou presque, dit le suisse.

— Presque ! Que signifie ? Voyons, tu m’as l’air d’un honnête homme. Je sors de la Bastille. Comprends-tu cela ? Et je suis à la recherche de mon enfant. Ton maître est parti sans doute pour mettre sa fiancée en sûreté ?"

L’homme secoua la tête. Angoulême lui saisit le bras.

"Monseigneur, dit le suisse, pardonnez-moi d’être le messager d’une mauvaise nouvelle : nous n’avons pas vu Mlle votre fille. M. le marquis n’est pas parti avec elle.

— Et avec qui, alors ! Tu as dit : presque seul. Qui l’accompagne ? Une femme ?

— Monseigneur, vous me ferez chasser !

— Je te prends à mon service.

— Monseigneur, vous me demandez de trahir mon maître.

— Je te demande d’avoir pitié d’un père, voilà tout. Parle hardiment, mon brave. Tu as ma parole de gentilhomme que rien de mal ne peut arriver de ce que tu diras.

— Eh bien, monseigneur, dit le suisse avec fermeté, vous avez dit la vérité : M. le marquis est parti avec une femme qu’on nomme Marion Delorme."

Le duc d’Angoulême s’en alla. Il titubait. Il souffrait dans son amour et dans son orgueil paternel. Cinq-Mars, le fiancé de Giselle d’Angoulême, parti avec une femme ! Il sentait que tout croulait dans sa vie.

"Lâche ! oh ! le lâche !"

Il répétait sourdement cette insulte tout en courant ; il ne s’apercevait pas que c’était là le cri de son ambition déçue autant que le cri de son orgueil paternel. Et il ne voyait pas qu’il songeait tout autant à la conspiration qu’à sa fille perdue. Et il ne voyait pas qu’il courait à l’hôtel de Guise !

Là, on était bien loin de se douter que le duc de Guise était en ce moment à la Bastille ! Comment eût-on pu imaginer l’aventure survenue à celui que tous considéraient comme le maître de demain ?

À l’hôtel de Guise, Charles d’Angoulême vit s’écarter de