mains tremblèrent. Il leva sur Concini un regard d’ineffable étonnement et d’admiration profonde. Le parchemin contenait ces lignes :
Ordre à M. de Lafare, trésorier royal, de payer au vu des présentes la somme de cinquante mille livres à M. Adhémar de Trémazenc, chevalier de Capestang.
"Monseigneur, balbutia l’aventurier qui chancela de joie et d’orgueil, je suis vaincu !
― Tu es donc à moi ? gronda Concini dont le regard s’enflamma.
― Disposez de ma vie ! fit Capestang qui s’inclina avec cette indicible émotion de la reconnaissance que fait passer dans les cœurs tout acte de générosité supérieure.
― C'est bon ! Écoutez, dit Concini de cette voix ardente et câline, fiévreuse et enveloppante, qui était une de ses grandes forces. Chevalier, je vous prends. Vous m’offrez votre vie que je pouvais jeter au bourreau. Je la prends. Soyez fidèle. Soyez dévoué. Et moi je me charge de votre fortune… Êtes-vous prêt dès cet instant ! Dis ! Es-tu prêt à affronter le péril comme tu étais prêt à marcher à l’échafaud ?"
Étourdi, ébloui, des visions de gloire et de fortune plein la tête, enivré par ces paroles :
"Parlez, monseigneur ! dit Capestang.
― Eh bien... je vais te dire... cette jeune fille... la connaissais-tu ? Sois digne de toi et de moi : sois franc.
― Non, monseigneur ! murmura l’aventurier. Je ne sais pas même son nom !
― Ainsi, rien ne t'attache à elle ? demanda Concini d’une voix basse et rapide.
― Rien ! fit le chevalier avec un soupir étouffé, tandis que son cœur tremblait.
― Bien ! Voici ta première mission : rends-toi rue Dauphine, à l'angle du quai. Tu verras là un hôtel qui semble inhabité. Tu surveilleras cet hôtel. Tu prendras dans ma maison les hommes dont tu as besoin, tu dépenseras l’argent sans compter. Dans un mois, dans huit jours, demain peut-être, des hommes arriveront dans cet hôtel : il faudra les cerner et les arrêter (Capestang tressaillit ; Concini baissa encore la voix) il y aura une bagarre… dans la mêlée, il faudra que l’un des hommes reçoive de toi un de ces bons coups de rapière après lesquels il n’y a plus qu’à dire Amen ! Cet homme est mon ennemi mortel, c’est le père de la conspiratrice, c’est le comte d’Auvergne duc d’Angoulême."
"C'est la fille du duc d'Angoulême ! rugit le chevalier dans son cœur. C'est le père de celle que j'aime qu'on m'ordonne donc d'assassiner !"
Concini plongea son regard aigu dans les yeux du jeune homme, et ajouta :