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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/512

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"Mais, sire, dit-il en tremblant d’inquiétude, ma lettre est positive. Le prisonnier qu’on m’a amené est de telle importance, et votre chevalier, sire...

— Mon chevalier !

— Oui. M. de Trémazenc de Capestang. Votre chevalier, dis-je, m’a donné si peu d’instructions relatives à ce prisonnier que j’ai cru devoir en référer directement à Votre Majesté.

— Ainsi, le duc de Guise est bien à la Bastille ? gronda Richelieu.

— Certes, monseigneur ! dit La Neuville stupéfait.

— Et il y a été amené par ce Capestang ? demanda Concini.

— Sans aucun doute, monsieur le maréchal, répondit La Neuville, qui marchait d’effarement en stupéfaction.

— Ainsi, dit Louis XIII, c’est bien vrai ! Nous n’avons pas rêvé ! Cette chose prodigieuse a pu se faire et s’est faite !

— Sire ! bégaya le gouverneur, s’il y a erreur, je n’en suis pas responsable. Je suis couvert par un ordre écrit tout entier de la main du roi !

— Un ordre ! s’exclama Louis, dont le regard s’illuminait. L’avez-vous, cet ordre ?

— Le voici. C’est une véritable inspiration de la Providence qui m’a fait le prendre à tout hasard."

Louis saisit, arracha presque le parchemin à La Neuville et se mit à le parcourir avidement. Bientôt un étrange sourire crispa ses lèvres pâles. Il ferma les yeux et murmura :

"Capestang ! murmura-t-il. Mon brave chevalier ! Est-ce ta bravoure ou ton esprit qu’il faut le plus admirer ?"

Et il passa le parchemin à Richelieu, qui blêmit de fureur en reconnaissant l’ordre qu’il avait dicté au roi. L’ordre destiné à faire emprisonner Cinq-Mars et relâcher Laffemas !

"Sire, dit-il de sa voix tranchante comme un couperet, quoique Votre Majesté puisse penser de cet aventurier, c’est un voleur. Il s’est emparé à main armée de la signature du roi et il en abuse dans un but que nous ne connaissons pas. C’est un crime de lèse-majesté !

— C’est un crime ? dit Louis XIII qui gardait son énigmatique sourire.

— Un crime qu’il faut punir ! reprit durement Richelieu. Mais ce n’est pas tout, sire. L’ordre porte qu’on amène à M. de La Neuville un prisonnier dont le nom n’est pas écrit, Votre Majesté sait pourquoi. Jusqu’ici, tout va bien. Mais l’ordre porte également que M. de La Neuville doit remettre un autre prisonnier dont le nom n’est pas écrit. M. le gouverneur, avez-vous remis un prisonnier à ce Capestang ?

— Mais, oui, monseigneur ! fit La Neuville éperdu. Je ne pouvais hésiter après avoir vu la signature de Sa Majesté.

— Ah ! ah ! fit Richelieu dans un grondement de tigre prêt à bondir sur sa proie.

— Paix ! fit le roi. Dites-nous, monsieur, quel est ce prisonnier que vous avez remis ?