Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/536

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— Au Louvre !" cria Capestang qui sauta sur Fend-l’Air.

Le carrosse s’ébranla. Et lorsqu’on vit cet homme tout déchiré, tout hérissé, noir de fumée, rouge de sang, sur ce gigantesque cheval sans selle, trottant à la portière de la voiture, l’attitude prestigieuse, le visage orgueilleux, les yeux flamboyants, la foule, en s’ouvrant, laissa monter de ses rangs pressés ce long murmure d’étonnement admiratif qui est peut-être la voix de la gloire !


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Un quart d’heure plus tard, une troupe de cavaliers traversa Meudon au galop. C’était Concini et ses gens. La mort au cœur, Concini n’avait pas perdu tout espoir. Capestang et Giselle lui échappaient, mais il gardait le pouvoir, ou si ce pouvoir devenait ce qu’avait rêvé Léonora, il les rattraperait, fussent-ils réfugiés au ciel ou en enfer ! Et Concini, après avoir eu la précaution de passer à sa ceinture le pistolet d’un de ses gens, courait au Louvre pour dire à Louis XIII :


"Sire, je vous ai envoyé le duc d’Angoulême, votre plus redoutable adversaire, que j’ai fait prisonnier de mes mains. Quant au misérable Capitan, il m’a échappé cette nuit, mais je l’ai rejoint, j’ai dû l’enfumer dans son gîte comme un renard, et il est mort. Je m’excuse de ne pouvoir vous l’apporter vivant, mais vous êtes sauvé, sire ! Vive le roi !"


Il était environ dix heures du matin, Louis XIII, pâle de ses pensées, pâle des émotions de la veille, de cette journée où, sans Capestang il eût perdu à la fois le trône et la vie, pâle enfin de cette nuit blanche tout entière passée à attendre le signe que parfois la fatalité fait aux hommes pour leur indiquer leur chemin, Louis XIII, donc, posté à une fenêtre, tenait ses yeux obstinément fixés sur la cour et sur la porte du Louvre. Richelieu était là, guettant lui aussi, les lèvres serrées, laissant errer son œil pâle sur les gens qui l’entouraient, et se demandant :

"Qui va remplacer Concini ? Est-ce Luynes ? Est-ce moi, enfin !"

Luynes était là qui faisait mille gasconnades pour amuser le roi. Ornano était là qui attendait avec la sérénité du capitaine prêt à tout. Une foule de courtisans anxieux, prêts à crier « Vive le roi », si Louis XIII avait le courage d’arrêter Concini, prêts à crier « Vive Concini », si les rumeurs qui couraient venaient à se réaliser, cette foule emplissait de son bruissement la salle de trône ou le roi l’avait reléguée.