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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/78

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— Paye ! dit superbement l’aventurier en jetant sa bourse à Cogolin.

Cogolin paya en jetant un étrange regard sur le crâne de Lureau.

— Lui aussi, il l’est ! murmura-t-il avec une sorte de sympathie.

L’hôte se retira enchanté. Cogolin, qui venait de voir qu’il restait encore quelques pistoles au fond de la bourse, fut également enchanté. Capestang qui venait tout au moins de s’assurer le couvert pour un mois, fut non moins enchanté, car il avait tremblé un instant que le prix de ses appartements n’excédât la somme qu’il possédait encore.

"Monsieur, dit à ce moment Cogolin, je vous demande la permission d’aller m’installer sur la route pour un petit quart d’heure.

— Cogolin, tu parles sans avoir été interrogé. Comme il y a quelques heures que tu m’as sauvé la vie, je ne dis rien pour cette fois ; mais, à la prochaine impertinence de ce genre, tu seras étrillé. Maintenant, pourquoi veux-tu aller sur la route ?

— Voici, monsieur : j'attendrai le premier cavalier qui passera, je me mettrai à siffler comme j'ai vu faire à monsieur, le cavalier sera désarçonné, et j'aurai une monture.

— Très bien, Cogolin. Va, mon ami, et essaie."

Cogolin ouvrit ses longues jambes et partit. Le bout de son nez frétillait. Le chevalier se prit à réfléchir sur tout ce qui lui était arrivé, et fut assez étonné de constater que, parmi tous ces événements, où il avait tour à tour risqué de faire fortune et d’être tué, il n’en était qu’un seul pour l’intéresser au fond de l’âme. C’était sa rencontre dans les bois de Meudon, avec cette jeune fille qu’il avait tirée des mains de Concini.

"Elle est la fille du duc d’Angoulême, songeait-il. Il conspire. Le Concini n’avait pas besoin de me l’apprendre. J’ai vu le duc à l’œuvre, à l’auberge de la Pie Voleuse. Le maréchal lui veut la malemort. Pourquoi ne préviendrais-je pas ce digne seigneur de se tenir sur ses gardes ? Je vais aller à l’hôtel de la rue Dauphine, où ce pleutre voulait m’envoyer assassiner le noble duc... et je lui dirai... que lui dirai-je ? et si elle est là, elle !"

Capestang, à l’idée qu’il allait sans aucun doute sauver le duc d’Angoulême d’un mortel danger, éprouva une de ces joies d’autant plus violentes qu’on ne veut pas s’en avouer la vraie cause. Cette joie, tout à coup, tomba, se dissipa.

"Elle est la fille du duc d'Angoulême ! reprit-il, cette fois avec une inconsciente amertume. Elle est donc petite-fille du roi ! fille de l'un des plus orgueilleux seigneurs du royaume, roi lui-même, peut-être, demain ! Et moi, que suis-je ?"

Ces pensées ne se présentèrent à l'esprit de Capestang qu'à l'