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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/91

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"Nul n'est venu ?" demanda Concini.

Le Noir secoua la tête.

"Et si quelqu'un avait essayé d'entrer ?"

Le noir eut un sourire qui découvrit ses dents éblouissantes et montra son cimeterre.

"C’est bien, dit Concini, tu es un bon serviteur."

Le noir s’inclina, saisit la main de son maître et la baisa.

"Tu m’es donc bien dévoué, toi ?"

Le noir se mit à genoux.

"Oui, maître !" dit-il simplement.

Mais en lui-même, il ajouta :

"Presque autant qu'à ma maîtresse Léonora ..."

Concini monta un escalier couvert de tapis épais. Le luxe effréné des grandes courtisanes régnait dans cet étrange intérieur. Concini avait dépensé des trésors d’imagination pour faire à ses amours un cadre de volupté savante. Il est juste d’ajouter qu’il avait dépensé aussi l’argent de toute une année d’impôts. A l’antichambre du premier étage veillait une femme, comme dans le vestibule du rez-de-chaussée veillait le Nubien. Concini s’avança sans parler à cette femme. Il tremblait. Brusquement, il poussa une porte, entra, et vit Giselle debout, si calme, si pareille aux vierges guerrières qui n’ont rien à redouter, une telle sincérité dans ses yeux, où il n’y avait ni crainte, ni défi, ni pas même du dédain, qu’il s’arrêta, pâle comme un mort.

Il s'avança. Elle n’eut pas un geste. Seulement, elle le tenait sous son regard. Il marchait vers elle, trébuchant, haletant, défiguré par la luxure. Et de son regard, à elle, peu à peu, jaillit une flamme qui s’aiguisa, flamboya, s’épandit en nappes puissantes, et elle fut alors semblable à quelque intrépide dompteuse en face du fauve. Il s’arrêta, avec un sourd rugissement. Puis, tout à coup, la tête basse, les mains tremblantes étendues vers elle, la voix grelottante :

"Écoutez, il faut que vous sachiez à quel point je vous aime. Je ne vous demande pas pardon de vous avoir saisie par ruse et violence. Si vous m’échappiez, je serais capable de ruses plus lâches et de violences plus hideuses pour vous saisir à nouveau. Voici ce que je vous offre. Je suis riche à l’excès. Je puis acheter une principauté en Italie. Je puis forcer le pape à briser les liens du mariage qui m’unissent à Léonora. Libre et prince, un prince puissant, je vous jure, et dont il sera parlé… un prince qui, s’il est soutenu dans la vie par une femme telle que vous, peut réaliser le rêve de Machiavel, reprendre les conquêtes de César Borgia au point où il les a laissées et devenir le maître de l’Italie !… Prince, donc, parmi les plus redoutables, riches parmi les plus opulents, libre, je vous offre de devenir ma femme. Un seul mot de vous me suffit. Si vous dites oui, vous sortez d’ici à l’instant. Moi, ivre du bonheur promis, capable alors de soulever un monde, je pars, je fais élever votre trône et, quand tout est