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Page:Zévaco - Le Capitan, 1926.djvu/92

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prêt, dans trois mois, dans six mois, vous venez rejoindre votre fiancé Concino, duc et prince de Ferrare en attendant mieux, et vous recevez de ses mains, en même temps que l’anneau nuptial, la couronne ducale, bientôt remplacée sur votre tête par la couronne royale. Voilà ce que j’ai à vous dire. Et vous, qu’avez-vous à me répondre ?"

Giselle, petite-fille du roi Charles IX, garda l’attitude pétrifiée de ces hautaines princesses de jadis lorsqu’elles recevaient le placet du condamné, le recours en grâce :

"J'ai à vous répondre ceci : que vous m'offrez une richesse volée ; que la principauté sera achetée avec de l'argent volé ; que la couronne sera faite d'or volé ; vous m'offrez donc d'unir ma vie à celle d'un larron. Allons, monsieur, pour séduire une fille telle que moi, il faut de moins pauvres inventions que le vol, le rapt et la rapine."

Elle se tut. Concini grinça des dents et se courba, écrasé. Presque aussitôt, il se ressaisit et se redressa un peu.

"N'en parlons plus, dit-il en soufflant avec effort. Je suis un voleur. Soit ! Je fais mon métier. Je vous vole. Je vous prends comme je prends l’or qui payera ma principauté. Avant de mettre la main sur vous, j’ai encore à vous dire : votre père est en mon pouvoir. Il avoue qu’il a conspiré contre la vie du roi. Demain commence le procès. Dans quinze jours, la tête de votre père tombera. Dites un mot, et je vous conduis à la Bastille, et vous-même ce soir, vous ouvrez la porte du cachot d’où le duc d’Angoulême ne doit sortir que pour marcher à la place de Grève !"

Un long tressaillement agita Giselle. Un frisson parcourut les plis rigides de la statue. Mais sa voix plus faible, comme plus éloignée, demeura pourtant d’une sérénité tragique et elle dit :

"Mon père mourra donc. Mais le duc d’Angoulême n’aura courbé la tête que sous la hache du bourreau et non sous le poids de l’infamie..."

Cette fois Concini releva tout à fait sa tête flamboyante de rage. Quoi ! Était-il donc abject au point que cette fille préférât condamner à mort son propre père plutôt que d’accorder l’aumône d’un baiser à l’homme qui implorait, menaçait en vain ! Il bondit à la porte, qu’il ouvrit. A son signe, la femme de l’antichambre accourut. Et il rugit :

"Qui a-t-on amené ici ce matin ?

— Une femme, une folle, qui se nomme Violetta."

"Ma mère !" cria au fond d'elle-même Giselle, vacillante de terreur.

"Où l'a-t-on mise ? continua Concini, de cet accent rauque de fauve en démence.

— Là-haut, monseigneur, au-dessus de cette chambre.

— Ma mère ! râla Giselle pantelante.