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Page:Zévaco - Les Pardaillan - L'épopée d'amour, 1926.djvu/24

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Nul ne saurait arriver à la porte verte sans que je lui barre le chemin. Votre Majesté sera donc en parfaite sûreté…

— Je n’ai aucune crainte, comte, répondit une autre voix — voix de femme, cette fois.

— Déodat ! avait sourdement mumuré Ruggieri.

— Jeanne d’Albret ! avait ajouté Catherine de Médicis.

— Voici la porte, madame, reprit la voix du comte de Marillac. Voyez, à travers le jardin, apparaît une lumière. Sans aucun doute, elle a reçut votre message. Elle vous attend…

— Tu trembles, mon pauvre enfant ?

— Jamais je n’éprouverai pareille émotion dans ma vie, qui en contient pourtant quelques unes, qui furent ou bien douces, ou bien cruelles. Songez, Majesté, que ma vie se jour en ce moment !… Quoi qu’il advienne, je vous bénis, madame, pour l’intérêt que vous daignez me témoigner…

— Déodat, tu sais que t’aime à l’égal d’un fils.

— Oui, ma reine, je le sais. Hélas ! c’est une autre qui devrait être où vous êtes… Tenez, madame, quand je songe que ma mère m’a certainement reconnu dans cette entrevue du Pont de Bois, quand je songe qu’elle a vu mon émotion, touché ma plaie, sondé ma douleur, et que pas un mot, pas un geste, pas un signe d’affection ne lui est échappé, qu’elle est demeurée glaciale, impénétrable, formidable de rigidité…"

— LE comte laissa échapper un geste de violente amertume, et le bruit étouffé d’une sorte de sanglot parvint jusqu’à Catherine, qui demeura impassible.

"Courage ! fit Jeanne d’Albret pour détourner le cours des pensées du jeune homme. Dans une heure, je l’espère, je vous apporterai un peu de joie, mon enfant…"

A ces mots, la reine de Navarre traversa rapidement la rue et alla frapper à la porte verte.

L’instant d’après, la porte s’ouvrait et Jeanne d’Albret pénétrait dans la maison d’Alice de Lux.

Le comte de Marillac, les bras croisés, s’accota à la tour et attendit. Sa tête touchait presque à la meurtrière.

Quelle furent les pensées de ces trois têtes, pendant les longues minutes qui, une à une, tombèrent dans le silence de la nuit ? L’astrologue : le père !… la reine : la mère !… Déodat : l’enfant !…

Par un imperceptible mouvement très lent, Ruggieri s’était placé de manière à empêcher Catherine de passer son bras