Page:Zévaco - Les Pardaillan - L'épopée d'amour, 1926.djvu/29

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il faut frapper ! Puissances invisibles qui venez de me prévenir, je vous remercie ! Marillac doit mourir : qu’il meure ! Charles doit mourir, lui aussi : qu’il meure !… Anges et démons, vous m’aiderez à placer sur le trône le fils de mon cœur, mon bien-aimé Henri…"

Catherine esquissa un rapide signe de croix, et toucha l’astrologue au front, du bout de son doigt glacé.

Ruggieri fut secoué d’un tressaillement.

"René, dit-elle, tu vois bien que le Ciel lui-même condamne cet homme…

— Notre fils…

— Eh bien, laissons sa destinée s’accomplir : ne nous mêlons pas de discuter les arrêts prononcés par les puissances ; il sait que je suis sa mère, et c’est pour cela qu'on le condamne."

Catherine disait : on, parce qu’elle ne savait pas juste si elle devait dire Dieu ou Satan.

"On le condamne alors que je rêvais pour lui un avenir royal. N’en parlons plus, René… Mais l’autre !… Cette femme qui sait aussi ! tu viens d’entendre : Jeanne d’Albret connaît ce secret… Et celle-là, René, c’est moi qui la condamne ! Je la tiens. Je rêve de nettoyer d’un seul coup le royaume que je destine à mon fils. Je rêve de rétablir l’autorité de Rome pour consolider l’autorité de mon Henri. J’ai sondé Coligny ; j’ai sondé le Béarnais, j’ai étudié tous ces seigneurs qui encombrent la cour et la ville de leur morgue. René, je te le dis, tous, depuis la reine jusqu’au dernier gentilhomme,tous ont le germe de la révolte. Ce n’est pas seulement contre l’Église qu’ils s’élèvent comme une menaçante barrière ; l’autorité royale de France leur pèse ; là-bas, dans leurs montagnes, ils ont pris des habitudes d’indépendance, et plus d’un se dit huguenot qui est tout bonnement révolté. René, si je ne détruis pas la réforme, c’est la monarchie elle-même qui sera quelque jour réformée. Commençons donc par frapper à la tête. Jeanne d’Albret, c’est la tête du protestantisme. Jeanne d’Albret connaît mon secret. En la supprimant, je me sauve et je sauve l’Église et l’État."