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ÉRIC LE MENDIANT.

— Vous m’avez conté cela… mais enfin on se console.

— Le croyez-vous ?

— Je n’en sais rien… mais on se distrait, on travaille, on voyage…

— Et que faisons-nous donc ?

— Pardieu ! vous avez raison… nous voyageons, nous allons pour le moment… où diable m’avez-vous dit que nous allions ?

— Au Conquet.

— Non, à l’abbaye de Saint-Matthieu, un monastère antique, planté audacieusement sur un promontoire battu par les flots, suspendu comme un vaisseau de pierre entre le ciel et l’eau… Ce doit être superbe !

— Et cependant vous maugréez.

— Aussi, avouez que je n’ai pas tout à fait tort ; voilà bientôt huit jours que nous arpentons la Bretagne, un délicieux pays, ma foi, tantôt à pied, tantôt à cheval ; et depuis huit jours nous n’avons pas couru le moindre danger et rencontré le moindre voleur.

— Vous vous croyez toujours en Italie ?

— Le fait est qu’en Italie nous aurions eu le temps d’être dévalisés vingt fois.

— Grand merci.

— Bah ! l’imprévu, cher ami, n’est-ce pas la vie ? Je donnerais, moi, la moitié de mon existence pour ignorer ce que je ferai durant l’autre moitié.

Tout en devisant ainsi, les deux amis avaient laissé bien loin derrière eux la ville de Brest et les petites habitations qui s’échelonnent le long de la côte.

À mesure qu’ils avançaient, le chemin devenait plus difficile, plus montueux ; les chevaux avaient bien de la peine à suivre le sentier, que les pluies récentes avaient détrempé. D’ailleurs la route avait