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ÉRIC LE MENDIANT.

l’escalier était étroit et sombre, la chambre ornée de ses quatre murs ; je montais cent vingt-huit marches pour y atteindre, et jamais, durant les dix années de labeur opiniâtre et de luttes incessantes, je n’ai eu une heure de lassitude ou une seconde de découragement.

— Et pourquoi cela ? objecta Octave.

— Ah dame ! poursuivit son compagnon, c’est que ma chambre, ou ma mansarde si vous l’aimez mieux, avait deux grandes fenêtres ouvrant sur le ciel et recevait de première main les plus purs et les plus riants rayons du soleil. Le matin, à midi, le soir, du soleil ! c’est-à-dire, mon cher ami, de la gaieté, de la confiance en Dieu, de l’indépendance, de l’amour, ces mille sentiments bénis qui font de la vie un éternel enchantement…

— Vous n’avez pas l’air médecin, Horace, objecta Octave.

— Pourquoi donc ?

— À votre enthousiasme !…

— Ah çà ! mon bon, moi j’avoue mon faible ; j’aime la vie ; je n’ai jamais, comme vous, nourri d’affreuses et froides pensées de suicide. Le hasard m’a ramassé un jour dans les rues de Paris, où je peignais des enseignes ; j’avais quatorze ans, je ne connaissais ni mon père ni ma mère, mais j’étais intelligent, Dieu merci, et je portais dans mon cœur cette fleur d’éternelle jeunesse que rien au monde n’a pu encore flétrir… Ah ! Octave, je voudrais bien vous donner quelquefois un peu de ma gaieté et de mon insouciance.

— Votre existence n’a pas été secouée par les mêmes douleurs, répondit Octave avec un sourire triste.

— La mort de votre mère !…

— Oui ; et plus que cela peut-être, la perte d’un amour dont j’avais fait mon seul rêve.