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ÉRIC LE MENDIANT.

Enfin son amour filial l’emporta ; elle comprit que si son père avait jamais eu besoin de sympathie ardente et dévouée, c’était surtout à ce moment où les débris de son avoir allaient s’abîmer dans les derniers tourbillons de l’incendie ; elle domina l’épouvante qui la glaçait, et, quittant aussitôt les mains d’Octave, elle alla se jeter éperdue dans les bras de son père.

— Mon père ! mon père ! s’écria-t-elle en pleurant et en présentant son front brûlant aux baisers du vieillard.

— Marguerite ! balbutia ce dernier d’une voix chevrotante, voilà la dernière et suprême épreuve… Dieu veuille qu’il nous reste la force de la supporter !

— Je travaillerai, mon père, fit Marguerite avec un filial entraînement.

Tanneguy la considéra un moment avec amour, et posa ses lèvres sur son front ; deux larmes coulèrent en même temps le long de ses joues maigres et creuses, et il la serra quelques secondes contre sa poitrine sans pouvoir prononcer une parole.

— Pauvre chère ! dit-il bientôt après, tu avais été cependant assez éprouvée. Ce nouveau malheur te tuera, s’il ne m’emporte pas moi-même avant toi… Ah ! pourquoi faut-il que nous ayons abandonné le sol où repose ta mère ?

Tanneguy revenait à un autre ordre d’idées, quand son regard s’arrêta sur Octave.

Ce fut comme un coup de foudre.

Ses sourcils se rapprochèrent, un mouvement de violence nerveuse contracta ses lèvres ; un gémissement étouffé sortit de sa poitrine :

— Vous ici, Monsieur le comte ? dit-il avec une amertume sanglante ; et de quel droit avez-vous osé pénétrer dans cette ferme, quand je vous avais défendu d’en passer jamais le seuil ?