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UN CLAN BRETON.

goût pour le temps. Le principal corps de logis était habité par le chef celte et ses principaux officiers ; les côtés par les écuries et les étables, et les bâtiments composant la partie antérieure de la ferme par les vassaux qui vivaient dans la dépendance du seigneur. Une vaste forêt enserrant le tout, semblait la cacher aux regards comme un repaire de bêtes fauves.

Le comte Érech avait cependant de grands et vastes domaines où il aurait pu vivre entouré d’une splendeur toute royale !… Le temps n’était pas encore bien loin où il avait vaillamment défendu l’indépendance des Bretons armoricains, où, plus d’une fois, il lui était arrivé de faire reculer et de rejeter au loin les hordes des Francs envahisseurs ; mais l’âge était venu, et, avec l’âge, l’impuissance.

Le vieux comte Érech avait bien près de quatre-vingts ans, et malgré ses traits vigoureusement accusés, sa haute stature de géant et sa longue barbe blanche, qui descendait gravement sur sa poitrine, comme un signe éclatant de force et d’autorité, il sentait son bras trop faible pour soutenir la longue épée dont il s’était servi jadis, et son corps, trop débile pour supporter de nouvelles fatigues ou tenter de nouvelles luttes. Aussi, retiré dans la pittoresque ferme de Kerlô, il se laissait patiemment endormir par le bruit calme et pacifique qui s’élevait autour de cette pure et fraîche oasis, et ne s’inquiétait ni des éclats de joie qu’il entendait la nuit, ni des cris des faucons et des meutes qu’il entendait le jour.

Trois personnes, parmi les habitants de Kerlô, venaient seules le visiter.

C’étaient son fils, Alain, une jeune fille du nom de Pialla, sa nièce, et le musicien de la cour… Ce dernier, par devoir, car il lui devait ses chants, se-