Le colonel descend lentement la rue. Il entre après avoir salué d’un geste grave la sentinelle qui présente l’arme. Il soulève son képi devant nous et passe.
Le colonel est vieux, — non de cette vieillesse de gaga qui brise les jambes, courbe le corps et fait tomber de grosses paupières molles sur des yeux troubles, — mais de cette verte et mâle vieillesse gagnée dans la fatigue de quarante ans passés au service du pays, et qui n’est que la transformation d’une force ardente en une force mûre. Ses cheveux sont blancs ; mais sous l’embroussaillement gris des sourcils, dans le rayonnement des yeux décidés, franc ouverts, éclate la jeunesse du cœur. Il commence à prendre du ventre ; mais il se tient droit, la poitrine largement étalée. Dans les moments de colère sa voix fait trembler ; mais à part ces quelques éclats ou la patience échappe un instant à cet homme dont les soucis sont graves et la responsabilité lourde, sa parole est très encourageante. La bouche garde ce sourire de bien-