Mais, n’est-il pas vrai, vous avez froid au cœur à la vue de ce pauvre tas de sable. Cette mort du soldat de 2e classe, cette tombe creusée peut-être à cent lieues du berceau, cet isolement vous paraissent un drame poignant dans sa banalité.
Pourquoi il a vécu ? Comment il a disparu ? Nul ne s’en inquiète, excepté vous en ce moment, et peut-être une mère qui pleure très loin d’ici. Le trésorier l’a rayé des contrôles, voilà tout. Sa vie ? un nom sur un registre. Sa mort ? un trait de plume sur ce nom.
Maintenant le voilà : seul, loin de chez lui.
Son chez lui ! Où donc cela peut-il être !… Est-ce sur les bords embrumés de la Manche, ou vers les parfums des rivages méditerranéens ? A-t-il, de son œil grave, contemplé les champs mélancoliques du sol breton ? A-t-il joyeusement dansé la farandole sous le ciel ardent du Midi ? A-t-il vécu dans la plaine, ou respiré l’air puissant des monts d’Auvergne ?
Pour peu que vous aimiez à donner libre