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Page:Zevaco - Le boute-charge, 1888.djvu/154

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LE BOUTE-CHARGE

Nankin ne restait au râtelier que s’il voulait bien y rester, ou s’il y trouvait un avantage quelconque. Mais s’il lui prenait fantaisie de s’en aller au soleil, il n’était licol ou bridon qui pût le retenir. Il n’était nœud ou lien dont il ne parvint à se défaire avec une infernale habileté. La chaîne qui barre la porte n’était pas faite pour l’arrêter ; il sautait par-dessus, ou se glissait dessous à volonté avec une souplesse et une agilité surprenantes. Une fois dans la cour, Nankin, les naseaux à l’air, l’œil ardent, le trot relevé, la croupe bondissante, filait aux auges, non pour y boire goulûment — il savait se ménager — mais pour y humecter ses lèvres. Après quoi, il commençait un long vagabondage, évitant soigneusement le manège et la forge pour lesquels il professait un mépris évident ; tantôt il s’arrêtait pour cueillir du bout de la langue une touffe d’herbe poussée entre deux pavés ; tantôt, il se précipitait comme un boulet au hasard de son caprice. On le voyait ici, s’en aller doucement au pas ainsi qu’un flâneur ;