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LE BOUTE-CHARGE

prises d’eux seuls. Puis, il émietta un biscuit devant « le vieux ». Et, tandis que le cheval mangeait, l’homme s’assit sur la barre de séparation, appuya sa tête à la pierre de la mangeoire ; et, avec des inflexions de frère aîné qui endort un enfant, il chanta. Il disait une chanson de là-bas, du pays breton, naïve cantilène qui s’égrenait sur une musique mélopéenne avec la même note aiguë filée à la ritournelle, — une de ces plaintes qui semblent s’exhaler du murmure des genets dans les grandes landes silencieuses. Fend-l’Air écoutait, pensif, et parfois fixait sur son maître des yeux pleins de muettes interrogations. Le dragon caressait alors la tête osseuse, la longue et maigre encolure de l’animal, puis reprenait les même couplets dont la monotonie endormait sa douleur.

Sa douleur ? Eh bien ! oui. C’étaient deux amis. Il n’y avait pour Bernard qu’un camarade, qu’une affection au régiment : Fend-l’Air.

Il y avait une douzaine d’années que ce