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LE BOUTE-CHARGE

Fend-l’Air était arrivé au 29e régiment de dragons. Il était laid. Sa tête en montagnes d’os, ses oreilles démesurées, son encolure sans souplesse, ses jambes noueuses, sa robe restée indécise entre l’alezan et le bai, en faisaient une monture de médiocre valeur. Or, cet être disgracieux méritait à coup sûr le nom qu’il semblait si mal porter. On le vit bien lorsqu’il s’agit de le monter : le premier qui tenta l’aventure décrivit une majestueuse culbute, conséquence fatale du plus intrépide saut-de-mouton qui eût jamais étonné le manége du 29e : des officiers réputés bons cavaliers essayèrent en vain de réduire l’indomptable animal ; pointes éperdues, coups de reins savants, le nommé Fend-l’Air connaissait toutes les défenses. Le capitaine instructeur, après avoir mordu la poussière, s’entêta, réussit enfin à conduire ce grincheux jusqu’au terrain de manœuvre. Ce que l’on vit alors fut admirable et plaisant. Fend-l’Air qui se présentait au repos comme un naïf percheron destiné à la charrue, qui exécutait au pas de grotesques