Aller au contenu

Page:Zevaco - Triboulet, 1901.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
TRIBOULET


IX

LE GRAND PRÉVÔT


Cette sombre physionomie du comte de Monclar sollicite notre curiosité ; malgré l’importance capitale de l’entrevue qui eut lieu entre le roi et Loyola, et que nous aurons à raconter, suivons donc un moment le grand prévôt.

M. de Monclar sortit du Louvre, à cheval, escorté par une vingtaine de gens d’armes.

Cet homme était âgé de soixante ans. Mais on lui en eut donné quarante à peine, à voir combien il se tenait droit sur son cheval : on lui en eût donné quatre-vingts, à étudier de près les rides amères qui sillonnaient son front.

Il n’avait pas la figure d’un méchant ou d’un cruel : ses traits étaient figés, pétrifiés, semblait-il, hors de toute sensibilité.

Ses yeux n’étaient point durs : seulement on n’y voyait jamais de flamme humaine, c’étaient les yeux d’une statue animée.

Sa parole n’était ni âpre ni forte : elle était morne.

Il disait au bourreau : « Pendez cette femme » du même ton qu’il disait à son valet de chambre : « Habillez moi… »

L’ensemble faisait frissonner.

Les plus braves avaient peur devant cette sinistre représentation de la Vindicte. Paris tremblait quand il passait, morne, indifférent à la terreur qu’il inspirait.

S’apercevait-il seulement de cette terreur ?

C’est peu probable.

On disait le grand prévôt brave jusqu’à la témérité. À diverses reprises, il avait pénétré seul, sans armes, dans les bouges d’où on ne sortait pas vivant… Il apparaissait quelquefois dans des cabarets mal famés, hantés de ribaudes et de truands, et, à son aspect, un silence de mort s’établissait.

En réalité, le comte de Monclar ne connaissait pas la