Le comte de Monclar s’était avancé vers le roi, devant lequel il demeura incliné.
— Parlez, monsieur, dit François Ier.
— Sire, je viens vous soumettre la liste des demandes d’audiences, afin que Votre Majesté me désigne ceux de ses sujets, qu’elle daignera recevoir. Il y a d’abord le sieur Étienne Dolet, imprimeur à l’enseigne de la Dolouère d’or.
— Je ne veux pas le recevoir, fit durement le monarque. Vous aurez à surveiller étroitement cet homme qui a d’étranges accointances avec les nouvelles sectes qui empoisonnent mon royaume… Ensuite ?
— Maître François Rabelais…
— Qu’il aille au diable ! Et qu’il prenne garde, lui aussi ! Notre patience royale a des bornes… Ensuite ?
— Vénérable et vénéré dom Ignace de Loyola… Il arrive de Provence.
Le front du roi devient soucieux.
— Je recevrai demain le vénérable Père, dit-il à voix basse.
— Pardieu ! glapit Triboulet. Après les robes de femmes, notre sire n’aime rien tant au monde que les robes de moines !
— C’est tout pour les audiences, sire, reprit le comte de Monclar, mais…
— Qu’y a-t-il encore ?
— Sire, il y a que la Cour des Miracles devient une intolérable peste, qui menace d’empoisonner Paris comme les sectes dont parlait Votre Majesté menacent d’empoisonner le royaume. Il y a que toute la rue Saint-Denis devient inhabitable ; que les rues des Mauvais-Garçons, des Francs-Bourgeois, de la Grande et Petite Truanderie débordent et envahissent les rues saines ; que l’audace des malandrins dépasse toutes les limites et qu’il faut faire un exemple. Deux hommes, parmi ces argotiers, méritent la corde : un certain Lanthenay et un autre qu’on nomme Manfred… Que faut-il en faire ?
— Prenez ces deux hommes et pendez-les !
Triboulet battit des mains :
— À la bonne heure ! On manque de distractions à Paris. C’est à peine s’il y a eu cinq pendaisons hier et huit aujourd’hui !…
Le comte de Monclar s’était incliné avec un sourire de sombre satisfaction.